Zambie: Un déversement d'acide met en danger la santé des habitants

Johannesburg — Les autorités devraient enquêter sur les risques sanitaires à long terme, et protéger le droit des communautés à un environnement sain
Les autorités zambiennes devraient prendre des mesures suite aux récentes informations selon lesquelles la pollution des eaux et des sols due à un déversement d’acide dans une zone d’exploitation minière du cuivre présente un grave risque sanitaire pour les habitants, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le 18 février 2025, la rupture d’une paroi d’un barrage qui retenait des déchets miniers de la société chinoise Sino-Metals Leach Zambia à Chambishi, dans la province de Copperbelt, a mené au déversement d’effluents acides dans la rivière Kafue. La société Sino-Metals est une filiale de l’entreprise China Nonferrous Metal Mining Group, détenue par l’État chinois. La pollution a tué des poissons, brûlé des cultures de maïs et d’arachide et entraîné la mort de bétail, anéantissant les moyens de subsistance des agriculteurs locaux et mettant en danger les habitants.
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« Les récents rapports sur les effets sanitaires immédiats et à long terme du déversement de déchets acides en février montrent la nécessité pour le gouvernement zambien d’enquêter sur les risques sanitaires et de prendre des mesures globales pour prévenir de nouveaux dommages », a déclaré Idriss Ali Nassah, chercheur senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités ont l’obligation de garantir le respect des droits à la santé et à un environnement sain, protégés au niveau international, des communautés affectées. »
Les autorités zambiennes devraient mener une enquête approfondie avec des experts internationaux et nationaux afin d’identifier les risques sanitaires et environnementaux, et mener des tests auprès des communautés affectées pour détecter une éventuelle intoxication aiguë et cumulative aux métaux lourds.
Des groupes de la société civile ont affirmé que le déversement d’acide s’inscrivait dans un « contexte généralisé de négligence grave des entreprises, et de lacunes en matière de conformité, de surveillance et d’application des lois environnementales ». Un responsable d’une organisation environnementale locale a déclaré aux médias que « des personnes ont bu de l’eau contaminée et consommé du maïs contaminé sans le savoir. Nombre d’entre elles souffrent désormais de maux de tête, de toux, de diarrhée, de crampes musculaires et même de plaies aux jambes. »
Quelques jours après l’incident, Sino-Metals avait présenté ses excuses pour la catastrophe environnementale et les dommages causés aux communautés locales. La société avait alors promis de remédier à la situation en nettoyant la rivière et en rétablissant les moyens de subsistance des populations « au mieux de ses capacités ».
Cependant, en août, six mois après l’incident, le ministère finlandais des Affaires étrangères a publié un avis à l’attention des citoyens finlandais voyageant en Zambie, indiquant que des échantillons d’eau prélevés dans la zone du déversement d’acide contenaient des traces de 24 métaux lourds, dont 16 métaux (y compris le nickel, le plomb, l’arsenic, le zinc et l’uranium) qui dépassaient les valeurs limites fixées par l’Organisation mondiale de la santé. Une forte exposition à ces métaux peut présenter de graves risques pour la santé, en particulier pour les enfants, les personnes âgées et les femmes enceintes.
Le 6 août, le gouvernement américain a ordonné l’évacuation immédiate de tout le personnel gouvernemental américain travaillant dans les zones touchées par le déversement d’acide. L’ambassade américaine en Zambie a indiqué que de nouvelles informations avaient révélé « l’ampleur des substances dangereuses et cancérigènes… ainsi que les menaces sanitaires immédiates et à long terme que représente l’exposition à ces contaminants tant qu’ils persistent dans l’environnement. Au-delà de l’eau et des sols contaminés, les contaminants provenant des résidus miniers déversés peuvent également se propager dans l’air, constituant un danger pour la santé en cas d’inhalation. »
Après la catastrophe, le gouvernement zambien a ordonné à Sino-Metals de restaurer la rivière polluée, de réhabiliter l’environnement et d’indemniser plus de 500 agriculteurs touchés. Depuis, le gouvernement a cependant nié que le déversement d’acide représentait toujours un risque sanitaire grave, affirmant que « les résultats de laboratoire montrent que le pH (acidité) est revenu à la normale et que les concentrations de métaux lourds diminuent régulièrement, ce qui signifie que le danger immédiat pour la vie humaine, animale et végétale a été écarté ».
Le gouvernement zambien a pris certaines mesures pour atténuer les dommages, notamment l’utilisation de chaux pour réduire l’acidité des cours d’eau touchés. Cependant, deux militants écologistes ont indiqué à Human Rights Watch que des membres des communautés des zones touchées par la pollution se plaignaient toujours de maux de tête, de toux, de diarrhée et d’autres problèmes de santé qui se sont aggravés après le déversement d’acide. Certains habitants ont affirmé ne pas avoir reçu l’indemnisation promise.
La Zambia Environmental Justice Coalition a également exprimé son inquiétude quant à l’ampleur de la catastrophe et à son impact à long terme sur les communautés touchées. La coalition a exhorté le gouvernement à « renégocier tous les accords d’indemnisation, en garantissant la pleine participation des communautés affectées, afin de promouvoir la justice intergénérationnelle et de rétablir les moyens de subsistance ».
L’exploitation minière a causé d’autres dommages environnementaux et sanitaires graves en Zambie. À Kabwe, dans la province du Centre, une mine de plomb et de zinc, fermée en 1994 mais jamais nettoyée, a provoqué de graves intoxications au plomb parmi les habitants. Une coalition de la société civile a réclamé un nettoyage complet et une indemnisation pour les personnes touchées par la pollution.
En vertu de la loi de 2011 sur la gestion de l’environnement (Environmental Management Act), toute personne en Zambie a droit à un « environnement propre, sûr et sain ». De plus, la Zambie est partie aux traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains qui obligent le gouvernement à protéger le droit à la santé et le droit à un environnement sain. Le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint est garanti par l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et par l’article 16 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
« L’économie zambienne dépend fortement du secteur minier, mais le gouvernement a toujours l’obligation de protéger le droit à la santé des personnes touchées par l’activité minière », a conclu Idriss Ali Nassah. « Les gouvernements donateurs devraient aider la Zambie à atteindre cet objectif par leur soutien et leur coopération. »