Washington redéfinit sa coopération avec l’Afrique avec la signature de nouveaux accords sanitaires

Les États-Unis ont signé ces dernières semaines de nouveaux accords sanitaires avec plusieurs pays africains, dont le Kenya, le Rwanda et le Liberia. Présentés comme une rupture avec l’ancien modèle d’aide, ces partenariats bilatéraux visent à renforcer les systèmes de santé nationaux en travaillant directement avec les gouvernements. Une évolution assumée par Washington, dans un contexte de retrait des cadres multilatéraux traditionnels.

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« Nous sommes clairement dans une nouvelle ère de l’aide sanitaire ». Le ton est donné. Pour Mignon Houston, porte-parole adjointe du département d’État américain, les nouveaux accords sanitaires conclus entre Washington et plusieurs pays africains marquent un tournant assumé dans la manière dont les États-Unis interviennent en matière de santé publique sur le continent.

Le Liberia, point de départ du nouveau modèle

Signé le 11 décembre 2025, l’accord conclu avec le Liberia est emblématique de ce changement. Il s’agit d’un accord de coopération sanitaire sur cinq ans, non contraignant, d’un montant total de 176 millions de dollars, dont jusqu’à 125 millions financés par les États-Unis.

« Il vise à soutenir un cadre de santé global, afin de permettre au Liberia de reprendre progressivement la maîtrise de l’aide américaine, en l’intégrant à son propre système de santé », explique Mignon Houston.

Selon elle, cet accord rompt avec un modèle ancien : « Pendant longtemps, les États-Unis ont financé des systèmes parallèles, souvent gérés par des ONG et séparés du système national. Aujourd’hui, l’objectif est que l’aide s’inscrive directement dans le système public, au rythme et selon les capacités du pays ».

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Dans un pays encore marqué par l’épidémie d’Ebola, Washington présente le Liberia comme un test grandeur nature de cette nouvelle approche : renforcer les laboratoires, la surveillance des maladies, les services de santé de base et la capacité de réponse aux crises, y compris en dehors de Monrovia.

Kenya : un accord ambitieux… et controversé

Avant le Liberia, c’est au Kenya que ce nouveau modèle a été mis en œuvre à grande échelle. Signé le 4 décembre 2025, l’accord prévoit un cadre de coopération sanitaire de 2,5 milliards de dollars sur cinq ans, dont jusqu’à 1,6 milliard de dollars de soutien américain, pour des programmes de santé jugés prioritaires : VIH, tuberculose, paludisme, santé maternelle et infantile, éradication de la polio, mais aussi surveillance des maladies et réponse aux épidémies.

En contrepartie, Nairobi s’est engagé à augmenter ses dépenses nationales de santé de 850 millions de dollars, afin d’assumer progressivement une plus grande part du financement.

Mais l’accord a suscité de vives inquiétudes, notamment sur la gouvernance des données de santé. Des organisations de la société civile ont saisi la justice, transformant le Kenya en cas test de l’acceptabilité politique et sociale de ce nouveau modèle.

« Le gouvernement du Kenya conserve l’entière propriété de ses données, balaie Mignon Houston, il n’y a aucun partage de données personnelles. Les données utilisées sont des données épidémiologiques, indispensables pour suivre les épidémies et apporter le bon type d’aide, au bon moment. »

Le Rwanda, un partenariat sur mesure

Autre pays concerné : le Rwanda, qui a signé un accord sanitaire avec Washington le 5 décembre 2025. Les États-Unis et le Rwanda ont signé un accord sanitaire de 228 millions de dollars sur cinq ans, dont jusqu’à 158 millions financés par Washington. Kigali s’est engagé, de son côté, à augmenter son investissement national en santé de 70 millions de dollars.

« Ces accords ne sont pas identiques. Ils sont adaptés à chaque pays », insiste Mignon Houston, « nos équipes techniques travaillent directement avec les autorités sanitaires nationales, en fonction des priorités et des capacités propres à chaque gouvernement ».

Une rupture assumée avec l’ancien modèle

Pourquoi ce choix d’une coopération directe de gouvernement à gouvernement ? Là encore, la réponse est sans détour. La porte-parole adjointe du département d’État explique que « lorsque l’aide passait essentiellement par des ONG, nous avons constaté des coûts de fonctionnement élevés, mais aussi du gaspillage et parfois des fraudes ».

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« Nous avons donc voulu réorienter ces financements vers les systèmes nationaux, avec des mécanismes de contrôle et de suivi, et un objectif à long terme : une transition complète de ces financements vers les États eux-mêmes », abonde-t-elle.

Vers un « après-USAID » ?

Cette réorientation intervient dans un contexte plus large : retrait des États-Unis des négociations sur le traité pandémies — un accord mondial post-Covid destiné à mieux préparer les pays aux futures crises sanitaires — et annonce d’un départ de l’Organisation mondiale de la santé début 2026.

Pour Washington, il ne s’agit pas d’un désengagement, mais d’un changement de méthode. « Les objectifs n’ont pas changé : réduire le VIH, prévenir les épidémies, renforcer les systèmes de santé. Ce qui change, c’est la manière de travailler », résume Mignon Houston.

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