«Vraie justice», «ciblage», «procédure inéquitable»: la condamnation en RDC de Joseph Kabila continue à diviser

L’ex-président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a été condamné à mort le 30 septembre 2025 au terme d’un procès par contumace pour « trahison » et « crimes de guerre », devant la justice militaire de RDC où il ne réside plus depuis deux ans. Un verdict salué au sein du parti au pouvoir (UDPS) mais dénoncé par un représentant de la société civile dans l’est du pays, tandis qu’un responsable de l’ONG HRW y voit « un message aux autres opposants politiques, aux membres de la société civile, aux journalistes, qui peuvent subir le même traitement ».

La Haute Cour militaire de Kinshasa a condamné, mardi 30 septembre, l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, à la peine de mort. Elle l’a reconnu coupable de trahison et de participation à un mouvement insurrectionnel, le qualifiant de « chef de la coalition armée AFC/M23 ». Une décision inédite dans l’histoire politique congolaise.

Celle-ci est saluée par le parti au pouvoir l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). « Avec fermeté et responsabilité, nous saluons cette décision de la justice, lance Christian Lumu, vice-président des jeunes de l’UDPS, au micro de notre correspondante à Kinshasa, Paulina Zidi. Car, qu’on le veuille ou pas, l’État de droit que nous bâtissons sous le leadership du président Tshisekedi repose sur un principe clair : nul n’est au-dessus de la loi ».

« Si nous laissons l’impunité, il n’y aura pas de vraie réconciliation »

Interrogé sur le risque que pourrait représenter cette condamnation de l’ancien chef de l’État (2001-2019) sur les différents processus de paix en cours, notamment celui mené au Qatar entre les autorités congolaises et le groupe politico-militaire AFC/M23, Christian Lumu tranche : « Je ne pense pas, parce que les discussions de Doha, ou les prochains dialogues [intercongolais, NDLR] sous le président Tshisekedi, ne poursuivent qu’un seul objectif : consolider l’unité, bâtir la paix et réconcilier les Congolais. Ces processus ne peuvent pas être instrumentalisés pour protéger ceux qui refusent de répondre de leurs actes. Il faut qu’une vraie justice soit faite pour que la réconciliation soit également sincère. Si nous laissons l’impunité, il n’y aura pas de vraie réconciliation. La vraie réconciliation repose sur la vraie justice, sur la réparation des dégâts commis par ce crime. Sans cela, il est difficile que nous aboutissions à une réconciliation. »

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Dans l’est du pays, où Joseph Kabila continue de bénéficier d’un capital de popularité, l’annonce de ce verdict a été perçu comme un « ciblage », insiste de son côté Sammy Jean Takimbula, président de la société civile de la province du Sud-Kivu, basé à Bukavu, une zone occupée par le M23.

« C’est une fragilisation encore de la recherche de la paix, ici, chez nous, à l’est du pays, insiste-t-il au micro d’Alexandra Brangeon. On a compris que le pouvoir du gouvernement de Kinshasa n’est pas là pour la population. C’est un gouvernement, là, qui est là pour les ciblages, pour leurs intérêts et non pour l’intérêt de la population. La population du Sud-Kivu est en train de croupir chaque jour ».

« Condamner Kabila, c’est vouloir créer encore d’autres problèmes »

Il poursuit : « Joseph Kabila est passé ici au Sud-Kivu. Il a fait des consultations avec toutes les couches représentatives de la société civile. Et c’était pour une recherche de la paix. On est en train de lui reprocher qu’il ait fait allégeance au M23. Mais ce sont les mêmes autorités qui ne cessent pas de faire des négociations, qui sont en train de faire les échanges de prisonniers. On se pose la question : « Est ce que notre gouvernement réfléchit au moins aux conséquences que nous, nous subissons ici, pour qu’on puisse voir comment nous faire sortir dans cette situation désastreuse ? » Mais eux, ils ne cessent pas de condamner. Et donc c’est une distraction. Nous, la population, nous sommes affectés par leur manipulation. Condamner Kabila, c’est vouloir créer encore d’autres problèmes. »

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Cette condamnation est une justice pour les uns, une mascarade pour les autres. Pour l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW), la façon dont s’est tenue ce procès et son verdict ont toutes les caractéristiques d’une vendetta politique. Ce n’était pas un procès sur le fond et cela menace l’État de droit et l’avenir démocratique du pays, prévient notamment Lewis Mudge, directeur Afrique à HRW, au micro d’Alexandra Brangeon : « C’était tout simplement un procès avec plusieurs aspects politiques pour, peut-être, lancer un avertissement à d’autres opposants politiques. Tout d’abord, ils lui ont enlevé son immunité assez rapidement. Ensuite, il y a le fait qu’il y ait eu un procès rapidement où Joseph Kabila n’a même pas eu un avocat. Et enfin, le procès a été mené dans un tribunal militaire. »

« Qu’un ancien président n’ait pas eu une procédure équitable, c’est inquiétant »

Il estime : « Ils n’ont rien donné comme preuve tangible contre Joseph Kabila, quelqu’un qui, lorsqu’il était le président, était à la tête du combat contre le M23. Il y a le timing aussi : il y aura les élections [présidentielles, notamment, NDLR] de 2028. Joseph Kabila est vu comme quelqu’un qui peut être très gênant pour le président Tshisekedi. »

Lewis Mudge conclut : « On est plus inquiet du fait qu’un ancien président congolais n’ait pas eu une procédure équitable. Pour nous, ça envoie un message aux autres opposants politiques, aux membres de la société civile, aux journalistes, qui peuvent subir le même traitement. Pour nous, c’est encore une étape : le gouvernement congolais est sur une voie de plus en plus autoritaire. »

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Joseph Kabila était notamment poursuivi pour « crimes de guerre », « trahison » et « organisation d’un mouvement insurrectionnel » pour ses liens présumés avec le mouvement politico-militaire AFC/M23. Pour l’accusation, Joseph Kabila, 54 ans, était l’un des initiateurs de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), branche politique du M23.

L’est de la RDC, région située à la frontière du Rwanda et riche en ressources naturelles, notamment en minerais, est déchirée par les conflits depuis 30 ans. Les violences se sont intensifiées début 2025. Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et les troupes rwandaises se sont emparés des grandes villes de Goma en janvier, puis de Bukavu en février.

Peu après ces revers militaires, Joseph Kabila, qui avait quitté le sol congolais en 2023 selon son entourage, a fait une apparition surprise à Goma, capitale de la province du Nord-Kivu et fief du M23.

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