Violences à Madagascar: Antananarivo panse ses plaies au lendemain d’une manifestation réprimée

La capitale de Madagascar s’est réveillée dans un drôle d’état, ce 26 septembre 2025, au lendemain d’une manifestation interdite contre les délestages et coupures d’eau réprimée. À la mi-journée, certaines zones d’Antananarivo sont encore la proie de vols. Au centre-ville, la circulation est extrêmement fluide, les vendeurs de rue sont postés sur les trottoirs, mais certains quartiers portent les stigmates d’une nuit des plus agitées : chaussées brûlées, poteaux électriques au sol, vitrines de magasins brisées. Des quartiers commerçants entiers ont été saccagés. Sur place, c’est le désarroi. Mais l’entraide domine. Le grand nettoyage a démarré. Récit.
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Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Dans le centre commercial de Tana Water Front, dans la capitale de Madagascar, c’est une scène de désolation. Les sirènes anti-vol résonnent encore. Aucune vitrine ni grillage métallique n’a résisté à l’assaut des pilleurs.
« J’ai plus de mots, j’ai même plus de larmes », glisse Vonjy Rambolazafy, la responsable du centre commercial, anéantie. « On subit, nous aussi, les problèmes d’électricité et d’eau. On compatit à cette lutte. Mais on ne comprend pas pourquoi. Pourquoi nous ? Jusqu’à 8h30 – 9h ce matin, il y avait encore des gens qui étaient en train de piller. Les forces de l’ordre ne sont arrivées qu’après. Jusqu’au petit matin, le centre commercial appartenait aux bandits. »
Sur place, beaucoup de bénévoles, des habitants des quartiers voisins, des jeunes, aussi, sont là. Ils se sont mobilisés volontairement pour aider comme ils peuvent et sauvegarder ce qui peut encore l’être.
Ce qu’il faut savoir de ce mouvement, c’est que c’est un mouvement de la jeunesse, de la génération Z, qu’il n’y a pas un porte-parole. C’est un mouvement approprié par toute la jeunesse malagasy. On voit en fait aujourd’hui qu’on essaie d’assimiler cette jeunesse qui a été pacifiste, qui est venue avec des pancartes et à laquelle on a répondu avec de la violence, qu’on essaie de l’assimiler à des bandes de pilleurs, de casseurs, alors que, au lendemain de cette journée qui a été très douloureuse pour tout le monde, on la voit nettoyer, s’engager et moi en tant que défenseure des droits humains et beaucoup d’autres militants de la société civile, on est là pour les encourager, pour dire qu’ils/elles ne sont pas seuls. Il faut qu’on continue à faire porter leur voix, leurs droits, qui ont été justement piétinés hier. Et nous, sociétés civiles, nous avons peur aujourd’hui de la tournure que prend cette situation. Nous avons peur de la récupération politique. Nous avons peur pour cette jeunesse qui a osé revendiquer ses droits et qui aujourd’hui risque de subir des représailles et d’être traquée.
Marie-Christina Kolo, membre de la société civile et militante des droits humains
« On nous accuse d’être ceux qui ont cassé les magasins, mais ce n’est pas vrai ! »
« Nous sommes en train de nettoyer. Ça, c’est un bureau qui vient des étages. Ils sont en train de déménager ce qu’il reste. » Lui est venu aider à nettoyer la librairie de son enfance. Issu du mouvement GenZ, qui a lancé la manifestation la veille, il déplore les actes de vandalisme. Tout comme la désinformation qui est en train de se répandre, dit-il : « Depuis cette nuit, on nous accuse d’être les auteurs qui ont cassé les magasins. Mais ce n’est pas vrai ! On est en train de nous traquer, nos comptes sont infiltrés. »
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Dans la capitale, les pillages dans certains quartiers se poursuivent encore. Le président de la République s’est exprimé sur Facebook : Andry Rajoelina condamne « personnellement les actes de vandalisme et la destruction intentionnelle perpétrés dans le pays et appelle tous les Malagasy au calme ».
C’était au départ une revendication, je dirais, légitime. Et puis ça a viré effectivement à des débordements. L’essentiel, actuellement, c’est de faire un appel à l’apaisement. C’est l’affaire de tous. Il faut que tout le monde soit responsable, que ce soient les militaires, que ce soient les les forces vives et aussi les sociétés civiles. Tous les partis politiques doivent être responsables dans cette situation. Parce que si ça continue, si ça perdure, l’économie va être sacrifiée dans cette situation et ça va encore mener à plus de problèmes, plus de victimes. Et le gouvernement, par le biais du ministère de l’Energie et des hydrocarbures, continue toujours à appuyer la Jirama [la compagnie nationale d’eau et d’électricité, Ndlr], justement pour que toute la mise en œuvre des projets soit bien effective. Et le président de la République continue la mise en œuvre pour que ce soit effectif dans les meilleurs délais.
Donna Volamiranty Mara, porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication de Madagascar
Les manifestations contre les coupures d’eau et d’électricité et pour la défense des libertés fondamentales ont fait au moins cinq morts jeudi 25 septembre à Antananarivo, selon une source hospitalière. La soirée a été marquée par les pillages de commerces tandis que des barrages ont été érigés par les habitants dans presque tous les quartiers de la capitale. Le Premier ministre Christian Ntsay a par ailleurs confirmé la mise en place d’un couvre-feu de 19h à 5h du matin.



