TV5 Monde sous le feu des critiques : une chaîne francophone accusée de partialité en Afrique

La chaîne internationale TV5 Monde fait face à une série d’accusations de partialité dans son traitement de l’actualité africaine, remettant en question le respect des principes fondamentaux du journalisme.
En mai dernier, la Haute autorité de la communication (HAC) du Mali décidait de suspendre la diffusion de TV5 Monde sur le territoire, dans la lignée de décisions similaires prises à l’encontre de RFI et France 24. Bamako reprochait à la chaîne francophone une couverture jugée « partiale » et des « propos diffamatoires » envers les Forces armées maliennes (FAMA). Si les autorités maliennes n’ont pas directement accusé TV5 Monde de diffuser de fausses informations, elles ont pointé un manque de rigueur professionnelle. La HAC dénonçait notamment l’absence de mise en perspective : la chaîne aurait refusé de donner la parole aux FAMA, pourtant au cœur des accusations d’exactions, tout en relayant sans réserve des témoignages d’acteurs extérieurs. Une approche déséquilibrée qui, selon la HAC, témoigne d’un manquement à « la prudence élémentaire qu’exige le journalisme ».
Plus récemment, c’est au Togo que TV5 Monde a suscité la controverse. Dans une édition du Journal Afrique, consacrée aux manifestations survenues dans le pays, le ministre togolais des Droits de l’Homme, Pacôme Adjourouvi, a été invité à s’exprimer. Toutefois, l’entretien a rapidement tourné à l’épreuve. Face à la journaliste Renée Mendy — connue pour ses prises de position personnelles sur les réseaux sociaux, notamment son soutien affiché à l’opposant sénégalais Ousmane Sonko —, le ministre a eu peu d’espace pour répondre. Selon des sources internes à la chaîne, la présentatrice aurait « joué le rôle de procureur », relayant les arguments d’activistes et interrompant à plusieurs reprises son invité. La séquence a suscité des remous au sein de la rédaction.
Ce traitement a relancé le débat sur une forme de deux poids-deux mesures au sein de la chaîne. En décembre 2023, le journaliste Mohamed Kaci avait été rappelé à l’ordre pour avoir mené un entretien jugé trop offensif avec un porte-parole de l’armée israélienne. À l’époque, TV5 Monde avait publié un communiqué indiquant que « les règles journalistiques applicables à toute interview n’avaient pas été respectées », soulignant un manque de maîtrise de l’antenne.
Dans le cas de Renée Mendy, des observateurs s’interrogent : la journaliste sera-t-elle, elle aussi, rappelée à l’ordre pour une attitude similaire ? Ou bénéficiera-t-elle d’un traitement plus indulgent ? Pour certains spécialistes du paysage audiovisuel, la cohérence dans l’application des règles est aujourd’hui en question.
Au-delà de ces cas particuliers, c’est la ligne éditoriale globale de TV5 Monde qui est de plus en plus contestée sur le continent. De nombreux téléspectateurs africains dénoncent une couverture jugée déconnectée des réalités locales et trop alignée sur les narratifs des diasporas ou sur les intérêts de la diplomatie française. Une critique relayée notamment par le chercheur nigérien I.K. Abdourahamane, qui voit dans les médias comme RFI, France 24 ou TV5 Monde des outils de propagande visant à « étourdir les Africains pour mieux contrôler leur compréhension du monde ».
Selon plusieurs experts, la nature même de la chaîne évolue : en s’ouvrant à de nouveaux pays partenaires — comme le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Cameroun ou le Bénin — dans son actionnariat, TV5 Monde opérerait un glissement progressif vers une forme de journalisme militant, où l’engagement prend parfois le pas sur la neutralité.