Tunisie: Viandes rouges – La consommation en chute libre

Ce qui se passe au niveau des prix des viandes rouges est scandaleux à plus d’un titre. La consommation de ce produit est en chute libre depuis belle lurette. Le Tunisien n’en consomme que 8 kg/an. On parle même de 6 kg !

Et il peut s’estimer heureux qu’il y ait, encore, la « fête » du mouton qui s’est transformée, malheureusement, en vrais sacrifices pour les familles tunisiennes.

Quand on voit cette situation où le Tunisien est acculé à manger, malgré lui, de la viande blanche, faute de mieux, on se voit contraint d’admettre qu’on dégringole face à nos voisins les plus proches.

Alors qu’on était bien mieux lotis avant 2011, nous voilà en queue de peloton derrière le Maroc qui consomme près de 20 kg/an/habitant et l’Algérie qui en consomme plus de 15 kg.

Il n’y a aucune commune mesure si on les compare avec la consommation moyenne par habitant et par an avec un pays européen comme la France : 58 kg.

Mine de rien, on en est arrivé à la consommation de 16 ou 20 g de cette viande/jour. Ahurissant !

Cette viande disparaît petit à petit de nos assiettes.

Cet état des choses n’existait pas avec autant d’acuité. Cela s’est aggravé depuis un peu plus d’une décennie. Les transformations survenues au niveau des pratiques commerciales et de l’émergence d’une nouvelle classe de profiteurs ont donné naissance à un paysage commercial méconnaissable.

Dérives mafieuses

Il y a, certes, plusieurs autres facteurs qui peuvent expliquer l’amplification de ce phénomène de type, carrément, mafieux. Les fameux circuits de distribution que les autorités peinent à maîtriser et le pullulement des intermédiaires n’ont pas rendu la tâche facile.

C’est pourquoi on se trouve dans l’impasse à chaque fois que l’on veut avancer. Tous les secteurs d’approvisionnement en matière de première nécessité sont condamnés puisqu’ils sont aux mains des spéculateurs.

Le secteur des viandes rouges, qui nous intéresse en premier lieu, n’échappe pas à la règle. Les prix sont en roue libre et il nous semble que personne, à l’heure actuelle, n’est en mesure de les arrêter.

Il ne se passe pas un jour sans que l’on assiste à des augmentations insensées. Chaque boucher applique le tarif qu’il veut sans tenir compte de certaines conditions concernant la qualité de la viande, de sa provenance, des morceaux à choisir (gigot, côte, épaule, collier, etc.) qui ne doivent pas être vendus au même prix. Cette règle de base n’est jamais respectée par nos bouchers. Par contre, ils sont passés maîtres dans l’art de fourvoyer les clients en leur refilant des morceaux de basse qualité ou gras ou dont ils cherchent à se débarrasser.

Baisse de la qualité nutritive

Mais là n’est pas notre propos essentiel même s’il y a bien des choses à en dire.

Ce qui est plus important, c’est surtout le sort que l’on réserve aux Tunisiens. Ces derniers sont condamnés à « bouffer » du poulet qui, lui-même, est nourri, en grande partie, avec le pain que l’on gaspille quotidiennement. Donc, il n’y a rien à en attendre concernant une bonne nutrition.

L’apport en protéines et autres nutriments ne peut pas remplacer les apports des viandes rouges.

De plus, le consommateur tunisien est privé d’une autre source éminemment nutritive, à savoir le poisson. À ce propos, il faut dire que ce produit est hors de portée des bourses moyennes. Et à plus forte raison des petites bourses.

De ce fait, on peut affirmer sans le moindre risque de se tromper que la qualité de l’alimentation du Tunisien est à son plus bas niveau. C’est l’Institut national Zouhair-Kallel de nutrition et de technologie alimentaire qui peut confirmer ce diagnostic. Et il est temps qu’un état des lieux en la matière soit établi et porté à la connaissance de l’opinion publique.

Ce déficit au niveau des habitudes culinaires ne doit plus se poursuivre parce qu’il ne manquera pas d’avoir des répercussions sur le développement physique de nos enfants et même sur leurs capacités mentales.

Aussi des études allant dans le sens de l’établissement d’un rapport entre l’alimentation de la population et le développement physique et comportemental sont-elles vivement recommandées.

Déclarations contradictoires

Pour le reste, il n’y a qu’à appliquer la loi et rappeler à l’ordre tous ceux qui croient que tout est permis.

Obtenir une patente n’autorise pas à manipuler les prix et enfreindre les règles du commerce. Car il faut rappeler à beaucoup de propriétaires de locaux commerciaux qu’il y a dans ce pays des lois auxquelles ils doivent s’astreindre. Quand on dit rappeler cela veut dire par la force de la loi ou s’il le faut par la force que tout le monde connaît. Qui, malheureusement, doit être l’ultime recours.

En effet, il est inadmissible qu’un secteur (celui des bouchers et qui n’est pas le seul) dicte ses lois et impose sa volonté à tout un pays.

D’ailleurs, tout ce qui est dit pour expliquer le phénomène de la hausse des prix des viandes rouges ne jouit d’aucune crédibilité auprès du large public. D’ailleurs, il y a des sources contradictoires. L’une venant de l’organisation des agriculteurs. Celle-ci affirmait à la veille de l’Aïd El Kebir que notre pays disposait d’un nombre suffisant de moutons et qu’on n’avait pas besoin d’importer.

De l’autre côté, un responsable de la corporation des bouchers affirmait pour sa part que le cheptel ovin n’était pas suffisant. Qui croire ?

Ce responsable explique que derrière le prix de la viande ovine, il y a beaucoup de charges. De plus, le kg de cette viande est élevé à la base. La marge bénéficiaire du commerçant s’en trouve très réduite.

Il ajoute que si des mesures de facilitation étaient prises de la part des autorités, les bouchers seraient prêts à baisser les prix. Ceux-ci pourraient descendre jusqu’à 40 d le kg ! Pourtant, on avait entendu un autre son de cloche qui parlait du kg de viande de mouton à 80 d dans les prochaines semaines.

Là aussi, qui croire ?

Quelques mesures

En somme, ces déclarations tonitruantes accordées à certains médias montrent bel et bien l’état chaotique dans lequel cet important secteur est en train de sombrer.

Rappelons à ces personnes que la société Ellouhoum commercialise le kg de viande à 39D,800 millimes. Plus encore, le responsable de la corporation va plus loin. Il assure, tenez-vous bien, que ses confrères sont prêts à pratiquer des prix très abordables si le secteur est pris en main. Ils seraient même prêts à vendre en renonçant aux bénéfices.

Il faut être d’une crédulité notoire pour croire de tels propos.

Mais là le problème est celui de la capacité à satisfaire la demande de la population cible.

On a vu à maintes reprises que la société Ellouhoum ne parvient pas à toucher le public auquel s’adresse cette marchandise. Son local d’El Ouardia, par exemple, est assailli par des foules immenses dès qu’il y a un arrivage. Parmi ces acheteurs, il y a, majoritairement, des profiteurs qui font des affaires aux dépens des petites bourses.

Donc l’objectif réel de ce point de vente n’est jamais atteint.

En outre, les quantités de ces viandes distribuées dans les grandes surfaces sont très minimes.

Elles s’épuisent rapidement et les clients concernés n’y trouvent pas leur compte.

En bref, il faudra dire que la question du commerce de la viande rouge ne relève ni de l’insuffisance du cheptel, ni de la générosité des bouchers mais d’une reprise en main vigoureuse de la part des autorités par le biais de l’importation massive de quantités de ces viandes, par la multiplication des points de vente de la société Ellouhoum, par la création de sociétés communautaires dédiées à l’élevage et à la commercialisation de leurs produits ainsi que par la réactivation des structures des domaines de l’Etat, etc.

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