Tunisie: Fintech – Appel à un cadre réglementaire audacieux pour booster l'économie digitale

Les fintech, portées par les nouvelles technologies financières, représentent une chance unique pour moderniser le système, élargir l’accès aux services bancaires et stimuler la croissance économique. Cette transition reste toutefois freinée par une réglementation jugée «lourde». Pour Mariem Abdeljaoued, docteur en finance internationale et présidente du groupement professionnel Conect Innovation ACT, «il est urgent de bâtir un cadre réglementaire moderne afin de donner au système financier le véritable élan dont il a besoin».
La Tunisie se trouve aujourd’hui à un tournant stratégique, celui de réussir son passage vers une économie digitale inclusive. Dans ce contexte, Mariem Abdeljaoued a rappelé que la Banque centrale de Tunisie (BCT) avait lancé certaines initiatives prometteuses en matière d’innovation financière. Elle a souligné qu’une véritable dynamique s’était créée entre les différents acteurs de l’écosystème. Cependant, elle a affirmé que « la majorité de ces initiatives n’ont malheureusement pas réussi à se transformer en un levier tangible pour l’économie digitale ».
Réglementation trop rigide : un frein à l’innovation
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Selon Abdeljaoued, une réglementation trop rigide, parfois même inexistante pour certaines activités innovantes à fort potentiel, constitue aujourd’hui « un frein majeur à l’innovation et, par ricochet, à la croissance économique ». Elle a précisé que « les fintech représentent désormais un pilier incontournable pour dynamiser l’économie tunisienne, en favorisant l’inclusion financière, en modernisant les services et en stimulant la compétitivité ».
Par ailleurs, elle a indiqué que la Conect travaille actuellement sur l’organisation d’un débat national réunissant l’ensemble des parties prenantes, afin d’élaborer un plan stratégique clair sur la manière de tirer pleinement profit du potentiel transformateur des fintech. Pour elle, « la question n’est pas de choisir entre sécurité et innovation, mais de comprendre que l’une peut renforcer l’autre ».
Mariem Abdeljaoued a insisté : « Le système financier tunisien a besoin d’un véritable booster. Cela passe par l’audace d’expérimenter de nouvelles solutions digitales, de nouveaux actifs et services numériques dans un cadre maîtrisé ». Abdeljaoued a ajouté que des technologies comme la blockchain, l’intelligence artificielle ou encore la cybersécurité avancée offrent déjà des outils puissants pour garantir transparence, traçabilité et fiabilité des transactions.
Elle a poursuivi : « Oser, s’ouvrir à l’innovation, c’est à la fois protéger le système et lui donner l’élan nécessaire pour entrer pleinement dans l’ère numérique. La Tunisie ne peut plus se contenter d’observer, elle doit s’inspirer des expériences internationales pour bâtir enfin un cadre réglementaire à la hauteur de son potentiel fintech ».
Des inspirants internationaux
Elle a cité plusieurs exemples : le Nigeria, qui a prouvé qu’un choix audacieux, en misant sur le mobile money, pouvait transformer son marché et favoriser l’inclusion financière à grande échelle ; les Emirats arabes unis, qui ont attiré les plus grands investisseurs mondiaux grâce à une approche pragmatique et flexible, faisant de Dubaï un hub incontournable ; Singapour, devenu un modèle de confiance et d’innovation en combinant ouverture à l’expérimentation et rigueur réglementaire ; ou encore Malte, un petit pays qui a su s’imposer en misant sur la blockchain et les actifs numériques.
Ces expériences démontrent, a-t-elle observé, que « la sécurité et l’innovation ne sont pas antagonistes, mais complémentaires ». Elle conclut que « la Tunisie doit avoir le courage d’expérimenter, de libérer l’énergie de ses start-up et de donner à son système financier le véritable élan dont il a besoin ».
Abdeljaoued a rappelé, pour conclure, que « la modernisation de la réglementation monétaire peut propulser la Tunisie vers une économie plus inclusive et transparente ». Elle a souligné que, en favorisant les paiements digitaux et en accélérant la transition vers une société cashless, le pays pourra réduire la dépendance au liquide, moteur de l’économie informelle, tout en permettant aux non-bancarisés d’accéder à des services simples et sécurisés, tels que le mobile money et la microfinance digitale.
Cette transition, a-t-elle insisté, «n’est pas seulement une innovation technologique : elle constitue un levier puissant pour intégrer l’informel, renforcer la confiance et stimuler durablement la croissance économique».