«Tsy Ho Bado», le cri d'appel des rappeurs malgaches pour l'éveil de la population

À Madagascar, le rap n’a pas fini d’éveiller les consciences. Le label Kolotsaina Mainty vient de sortir sa nouvelle compilation à laquelle les meilleurs rappeurs de toute l’île ont collaboré. 16 titres brûlants, enregistrés en août, un mois avant les récents événements qui ont secoué le pays.
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Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
« Pas étonnant que la population soit crédule / On lui bande les yeux avec d’la thune en échange de son silence / 5 000 ariary lui suffisent / Et elle en paie le prix 5 ans après … / Pas besoin de parler, j’agis / Pas besoin de parler, je prouve », scande RNDR, 26 ans, dans son morceau « SAS ».
D’ordinaire, « dénoncer les dérives du pays » dit-il, ce n’est pas son créneau. Aussi, cette main tendue par ses grands frères du rap, et cette tribune offerte, il les a vécues comme une incroyable opportunité. « On a pu s’exprimer librement et on a pu collaborer avec des figures emblématiques du rap et on a pu être en quelque sorte les porte-paroles du peuple. Avant, on disait les choses, mais pas à haute voix. Parce qu’on avait peur qu’on nous emprisonne. Mais là, c’était vraiment la liberté du coup, la liberté d’expression », constate-t-il.
« Toutes les cartes à Madagascar sont en train d’être rebattues »
Dans un autre registre, tout aussi corrosif, Fat Killah, beatmaker et rappeur d’Illicit Soul, dépeint le quotidien éreintant de la population et l’hypocrisie du précédent régime. « Notre compil sort à un moment où toutes les cartes à Madagascar sont en train d’être rebattues. Il y a eu un changement de régime et tout est à refaire. Et ça fait écho aussi au titre de ma chanson qui s’intitule “Mila Fanovana” qui veut dire “On a besoin de changement”. Actuellement, il y a un effort pour essayer de restructurer le pays. Mais concrètement, il faudra attendre l’avenir pour voir si ça se concrétise ou pas. S’il n’y a pas les changements que l’on attend, on sera encore là et on le dénoncera. »
Disponible gratuitement sur le site Kolotsaina Mainty, cette compilation originale, mêlant rythmes et voix variés, se présente comme le manifeste d’une génération consciente et déterminée à agir.
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« On a voulu promouvoir l’éducation »
« Le projet Tsy Ho Bado qui se traduit par « ne plus être crédule », ou « ne plus rester dans l’ignorance », c’est une compilation musicale qui réunit une cinquantaine d’artistes, de rappeurs, de reggaemen, venant de plusieurs régions de Madagascar, explique MBL, le producteur exécutif de projet musical. On voulait faire une approche inclusive. La réalité est la même, que ce soit en province, en centre-ville. Les gens vivent partout les mêmes malheurs, les mêmes maux. Et la plupart des artistes font partie de la génération Z. Et donc ils ont des choses à dire. On a voulu dénoncer les différents types de dysfonctionnements dans le pays, mais surtout promouvoir l’éducation en fait, pour que nos dirigeants priorisent une éducation accessible, de qualité, une formation pour les jeunes sans emploi. On pense qu’un peuple éduqué, c’est un peuple plus difficile à manipuler. Et c’est pour ça que cette année, on a mis l’accent sur le thème de l’éducation, pour combattre la crédulité. »



