Thiaroye : le Sénégal rouvre le dossier du massacre pour écrire enfin sa propre vérité

Thiaroye
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Le Sénégal rouvre le dossier du massacre de Thiaroye, près de 80 ans après les faits. Le président Bassirou Diomaye Faye a reçu un Livre blanc de 301 pages rédigé par un comité d’historiens sénégalais. Ce travail scientifique vise à permettre au pays d’écrire enfin sa propre histoire face aux zones d’ombre de la mémoire coloniale.

Plus de 80 ans après le massacre de Thiaroye, le Sénégal franchit une étape décisive dans la quête de vérité. Ce jeudi, à Dakar, le président Bassirou Diomaye Faye a reçu un Livre blanc de 301 pages consacré à cet épisode tragique de l’histoire coloniale, où des tirailleurs africains furent abattus par l’armée française en décembre 1944 pour avoir réclamé leurs soldes de démobilisation. Remis par l’historien Mamadou Diouf, ce document est le fruit d’un travail scientifique d’un an et demi, mené par un comité sénégalais de chercheurs.

Un massacre encore entouré d’ombres

Le massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944, demeure l’un des épisodes les plus sombres de la mémoire coloniale. Ce jour-là, au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar, des troupes et gendarmes français ont ouvert le feu sur des tirailleurs africains revenus des combats d’Europe.

Alors que Paris reconnaît officiellement 35 morts, plusieurs chercheurs évoquent jusqu’à 400 victimes. Le Livre blanc parle d’une tuerie préméditée, où des hommes venus du Sénégal, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire ou encore de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) ont payé de leur vie leur légitime revendication. Aujourd’hui encore, ni le lieu exact des sépultures, ni le nombre précis des victimes ne sont établis. Les fouilles archéologiques entamées en mai 2025, au cimetière de Thiaroye, n’ont pas encore livré leurs conclusions.

Bassirou Diomaye Faye : “La vérité ne se décrète pas, elle se découvre”

Lors de la remise du Livre blanc, le président Bassirou Diomaye Faye a salué un « acte de vérité » et un tournant dans la réhabilitation de la mémoire nationale. « Ce que nous célébrons aujourd’hui, ce n’est pas un souvenir, c’est un acte de vérité », a-t-il déclaré, en présence du Premier ministre Ousmane Sonko. Le chef de l’État a annoncé la poursuite des fouilles archéologiques sur tous les sites susceptibles d’abriter des fosses communes : « La vérité historique ne se décrète pas. Elle se découvre, excavation après excavation, jusqu’à la dernière pierre. »

Mais il a aussi exprimé une certaine amertume envers Paris, dénonçant une coopération limitée sur la mise à disposition des archives françaises : « La mise à disposition des archives en France n’a pas toujours été à la hauteur de nos espérances. »

Un récit par nous et pour nous

Au-delà du symbole, le Livre blanc représente bien plus qu’un simple rapport. Il incarne une reprise de souveraineté mémorielle : la volonté du Sénégal de raconter sa propre histoire, sans médiation. « Ce document est un récit par nous et pour nous-mêmes », a insisté le président Faye, soulignant qu’il s’agit d’un devoir de mémoire partagé avec les autres nations africaines dont les fils ont péri à Thiaroye.

Les auteurs du Livre blanc recommandent d’ailleurs que les futures commémorations soient organisées conjointement avec ces pays frères, afin de rendre justice collectivement à ces soldats oubliés de la libération.

Un devoir de vérité pour l’Afrique

En recevant ce Livre blanc, le Sénégal ne se contente pas de revisiter une page douloureuse de son passé. Il engage une démarche panafricaine et citoyenne, fondée sur la vérité, la mémoire et la dignité. Car au-delà du camp de Thiaroye, ce sont des décennies de silence colonial qui sont aujourd’hui questionnées. Et, pierre après pierre, le Sénégal entend reconstruire la vérité historique, non pour raviver les blessures, mais pour honorer ceux qui ont versé leur sang pour la liberté, la leur, et celle des autres.

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