Tchad: un blogueur et un activiste critiques du pouvoir déchus de leur nationalité

Au Tchad, le gouvernement a déchu de leur nationalité deux voix critiques installées à l’étranger. Par un décret du ministère de l’Administration du territoire publié mercredi 17 septembre 2025, le blogueur passé par la présidence durant la transition Makaila Nguebla et l’activiste Charfadine Galmaye, se voient retirer leur nationalité. Une décision jugée « illégale et absurde » par les intéressés.
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Pour motiver sa décision, le ministère de l’Administration du territoire du Tchad dénonce des « intelligences avec les puissances étrangères » et des « activités incompatibles avec la qualité de citoyen tchadien », sans préciser les faits reprochés.
Ce décret interpelle deux juristes tchadiens consultés par RFI : ils rappellent que le Code de la nationalité de 1962 prévoit quatre causes de déchéance, que « l’intelligence avec des puissances étrangères » n’y est pas mentionnée, que « l’atteinte à la sûreté de l’État » requiert une condamnation pénale, et que, dans tous les cas, un « rapport motivé » doit précéder un tel acte.
Désormais apatrides, une mesure allant à l’encontre du droit international
Enfin, ils estiment que la déchéance ne peut viser que des binationaux, car le droit international interdit aux États de rendre des citoyens apatrides, d’autant que le Tchad est signataire de la convention de l’ONU sur le sujet.
Or, si les deux personnes visées résident en France de longue date, elles ont le statut de réfugié, mais pas d’autre nationalité que tchadienne.
Le blogueur Makaïla Nguebla était rentré au Tchad durant la transition, servant plus de deux ans à la présidence comme conseiller, avant de quitter le pays, actant, selon lui, son incapacité à faire avancer la situation des droits humains. Il estime que son travail de plaidoyer en Europe sur ce sujet lui vaut les foudres du régime, et annonce qu’il saisira des juridictions internationales.
« Délire totalitaire »
De même pour Charfadine Galmaye. Le fondateur du média en ligne Tchad One déplore un « délire totalitaire », dans un contexte de réforme contestée de la Constitution et de déploiement militaire dans le nord du pays, qu’il a très fortement dénoncé ces derniers jours.
Les deux hommes rappellent qu’aucun chef rebelle tchadien n’a jamais été déchu de sa nationalité, y compris ceux toujours en activité, et voient dans ce décret l’expression « d’une crainte par rapport à l’environnement numérique, les réseaux sociaux, massivement consultés au Tchad, et que le pouvoir ne peut contrôler ».
Parmi les réactions à cette déchéance, la Rencontre africaine des droits de l’homme et des peuples (Raddho) a, dans un communiqué, fait part de sa « consternation » et de sa « totale incompréhension » concernant cette décision, basée sur des « arguments fallacieux », selon cette organisation continentale accréditée auprès des Nations unies.
Ni le ministre de l’Administration du territoire, ni le porte-parole du gouvernement, n’ont répondu aux sollicitations de RFI, le 18 septembre.
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