Tchad: l'ex-Premier ministre et opposant Succès Masra condamné à 20 ans de prison ferme

20 ans de prison fermes pour Succès Masra et 1 milliard de Francs CFA à verser à l’État tchadien en dommages et intérêts. Ce 9 août, l’ancien Premier ministre et président des Transformateurs est reconnu coupable d’avoir « diffusé des messages de nature raciste et xénophobe », d’« associations de malfaiteurs » lié aussi au conflit intercommunautaire de Mandakao et reconnu de complicité de meurtre.

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Avec notre correspondante à N’Djamena, Nadia Ben Mahfoudh

Ce verdict n’a pas ôté le sourire à Succès Masra. Il est resté calme et serein comme pendant toute la durée de ce procès. Quelques accolades à ses avocats puis il se retourne vers des proches et des membres du parti les Transformateurs à qui il dit : « Ne vous inquiétez pas. On se retrouve bientôt. »

Certains de ses avocats sont en larmes, l’un d’entre eux craque : Me Francis Kadjilembaye, coordinateur du collectif d’avocats de Succès Masra crie à l’injustice. « Notre client vient donc de faire l’objet d’une ignominie, d’une humiliation. Il vient d’être condamné aux côtés des autres citoyens sur la base d’un dossier totalement vide, sur la base d’une absence irréfutable d’une quelconque preuve, assure l’avocat. Nous assistons malheureusement à une consécration d’une pratique qui consiste en l’instrumentalisation de la justice pour pouvoir régler des comptes politiques, et cela est regrettable pour notre pays. Partout où besoin sera, nous nous ferons entendre, nous ferons entendre que notre client vient de faire l’objet d’une criarde injustice et que cela ne devra pas rester impuni. »

Quelques militants présents sont en pleurs, ils se disent démoralisés, découragés. L’une d’entre eux dit qu’elle s’attendait à voir le président de son parti condamné, mais entendre le verdict officiellement prononcé est un choc. Une autre personne présente dans la salle confie n’avoir jamais assisté à un procès pareil. « C’est une mascarade », a-t-il ajouté.

Succès Masra quitte la Cour, entouré des gardes armés. Les 74 accusés de Mandakao restent au fond de la salle, toujours assis par terre. Aucune réaction de leur part. Puis les coordinateurs des collectifs de défense de Succès Masra et des 74 accusés de Mandakao annoncent interjeter appel de la décision de la Cour. Parmi les 74 accusés de Mandakao, 64 sont aussi condamnés à 20 ans de prison ferme. Me Prosper Ganodji, coordinateur du collectif des 74 accusés de Mandakao, est consterné : « S’il faut dire un mot, c’est : déception. Il n’y a pas de preuves pour amener les juges à prononcer cette condamnation. Et c’est une honte pour notre pays. C’est une honte pour notre justice. »

« Ce schéma récurrent de l’utilisation de la justice pour achever un acteur politique », assène l’opposant Max Kemkoye

Apres ce verdict, l’opposant Max Kemkoye, président national de l’Union des démocrates pour le développement et le progres (UDP), se dit triste, mais pas surpris : « d‘abord en tenant compte de la vélocité à travers laquelle la procédure a été lancée. Immédiatement, la nomination d’un procureur général, convocation d’une cour criminelle, démarrage et ensuite, en deux ou trois jours, on évacue. Pour nous, ce verdict, c’est simplement la réédition de ce schéma récurrent de l’utilisation de la justice pour achever un acteur politique et en tout cas une carrière politique. Le pouvoir en place a cherché ces derniers temps à tout prix et depuis 2023, à porter l’estocade à succès. Et c’est la démonstration. Mais au-delà, pour nous, l’opposition, c’est à la fois une leçon et un défi. Les gens veulent à tout prix nous bâillonner, mais nous avons ce défi-là de faire en sorte que la démocratie prévale. »

Mais du côté des avocats de l’État, constitué partie civile, c’est la satisfaction : « La cour criminelle, pendant quatre jours, a eu à entendre surtout tous les accusés pour essayer de décider en toute sérénité. Et effectivement, les personnes qui ont été appelées sont aujourd’hui rendues coupables de tous ces éléments. C’est une décision de justice qui a dit le droit par rapport aux faits qui se sont passés et par rapport aux actes qui ont été commis, pointe Me Adam Bahar. Cette justice est libre, indépendante, impartiale. Et la décision est à saluer par l’ensemble du peuple tchadien. »

Pour sa part, Gassim Cherif, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, affirme que la justice est indépendante et appelle à respecter ses décisions : « Le gouvernement tchadien n’a pas besoin de commanditer quelque chose pour éliminer politiquement Masra. La justice a tranché. Elle a estimé qu’il y avait de la matière pour condamner Succès Masra. Nous avons une justice qui est indépendante, qui est libre de toute ingérence politique […]. Je pense qu’il faut du respect et des égards vis-à-vis de notre justice, et qu’il faut arrêter de mettre la pression et jeter l’opprobre sur notre justice. J’appelle à la retenue et au respect de la justice. »

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