Tanzanie: les émeutes post-électorales se poursuivent, l'opposition évoque des centaines de victimes

Trois jours après les élections présidentielle et parlementaire en Tanzanie, la situation reste tendue. L’ooposition évoque un bilan extrêmement lourd de près de 700 morts de morts depuis le début des violences post-électorales.
Publié le :
3 min Temps de lecture
Ce vendredi 31 octobre dans la matinée, RFI a pu se rendre dans le centre-ville. Il faut d’abord passer par un check-point où des militaires demandent pourquoi vous souhaitez circuler. Ensuite, sur les grands axes, la présence militaire est forte, mais une fois dans le centre, on peut surtout voir des personnes en train d’aller s’approvisionner en nourriture et en eau. Après deux jours de confinement, les réserves commencent à s’amenuiser, rapporte notre correspondante à Dar es Salaam, Élodie Goulesque.
Dans les quelques supermarchés ouverts, le paiement doit se faire en espèces uniquement, il est impossible d’utiliser une carte bleue à cause du réseau internet qui est coupé. Mais il est surtout difficile d’utiliser l’argent mobile, qui est un moyen de paiement très répandu en Tanzanie. Selon certains directeurs de supermarché, les camions de produits frais en provenance d’autres régions du pays sont bloqués. Difficile donc de se faire livrer à Dar es Salaam.
L’ambiance est un peu plus calme ce vendredi dans le centre, mais dans la matinée, des affrontements ont lieu dans le quartier de Tabata, à l’ouest de la ville. À travers le pays, le mouvement de contestation contre la présidente Samia Suluhu Hassan continue.
Plusieurs centaines de morts à travers le pays
Dans l’un des principaux hôpitaux de Dar es Salaam, on peut constater le décalage qui existe entre le discours officiel et ce que l’on observe sur place. Des dizaines de brancards vides, en attente, sont visibles devant le bâtiment et des urgentistes sont prêts à intervenir. Un dispositif inhabituel, confie un médecin à RFI. Du côté de la direction, on affirme que les urgences fonctionnent comme d’habitude et qu’il n’y a pas plus d’influence qu’en temps normal. Mais à l’abri des regards, deux urgentistes ont tout de même glissé avoir pris soin de plus d’une centaine de blessés par balle ces derniers jours, souvent avec des blessures graves.
Pour l’instant, aucun chiffre officiel n’a été communiqué sur le nombre de victimes, mais des sources au gouvernement et dans la diplomatie font part de plusieurs centaines de morts à travers tout le pays depuis le début des manifestations il y a trois jours. « Au moment où nous parlons, le nombre de morts à Dar es Salaam est d’environ 350 et il y en a plus de 200 à Mwanza. Si l’on ajoute les chiffres des autres endroits dans le pays, on arrive à un total d’environ 700 morts », a affirmé à l’AFP le porte-parole du parti d’opposition Chadema, John Kitoka.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a appelé ce vendredi les forces de sécurité en Tanzanie à ne pas recourir à une force « non-nécessaire ou disproportionnée » et les manifestants à « manifester pacifiquement ». Le Haut-Commissariat se dit également « alarmé » par le nombre de morts et de blessés.
La contestation en Tanzanie déborde du territoire national
Jeudi après-midi à Namanga, ville frontalière avec le Kenya, des échauffourées ont éclaté côté kényan, alors que des jeunes tentaient de rejoindre les manifestants tanzaniens, mais la police kényane les en a empêchés. Un jour après, la situation est revenue au calme, parce que de nombreux policiers kényans ont été déployés, selon des habitants. Des files de camions s’étendent sur plusieurs kilomètres, qui attendent de pouvoir passer en Tanzanie. Durant la coupure d’internet en Tanzanie, les procédures douanières ont été suspendues. La contestation bloque le trafic de marchandises dans ce corridor de commerce, explique notre correspondante à Nairobi, Gaëlle Laleix.
À Namanga la police kényane a repoussé avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc une foule de jeunes qui voulaient passer en Tanzanie. Certains habitants, cités par Reuters, parlent également de tirs à balles réelles, mais on ne dispose pas encore de bilan officiel.
Si l’on remet le scrutin tanzanien dans un contexte régional, on pouvait s’attendre cette mobilisation de jeunes kényans dans la contestation tanzanienne. Il sera suivi de près par les élections générales en Ouganda en janvier et au Kenya en 2027. Or depuis des mois, les sociétés civiles de ces trois pays dénoncent ce qu’ils appellent « une répression transnationale » qui s’exprime par des arrestations d’opposants ou de défenseurs des droits de l’homme, par-delà les frontières, avec la complicité des services de sécurité nationaux. Ce vendredi encore, Hussein Khalid, de l’ONG Vocal Africa, signale l’enlèvement de Shoka Juma, un journaliste kényan, intercepté à la frontière de Lunga Lunga par la police tanzanienne.



