Tanzanie: la tension toujours vive, l'opposition évoque des centaines de victimes

Deux jours après les élections présidentielle et parlementaire en Tanzanie, la situation reste tendue. L’opposition évoque un bilan extrêmement lourd de près de 700 morts depuis le début des violences post-électorales.
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Au surlendemain des élections présidentielle et parlementaire en Tanzanie, et malgré quelques heurts dans certains quartiers, un calme relatif régnait ce vendredi dans les rues de Dar es Salaam. Après deux jours d’affrontements, la tension restait néanmoins perceptible.
En témoignent la forte présence militaire sur les grandes artères de la capitale économique et ce check-point où il faut désormais montrer patte blanche pour rejoindre le centre-ville. On y croise des personnes venues s’approvisionner en nourriture et en eau dans les quelques supermarchés ouverts. Après deux jours de confinement, les réserves commencent à s’amenuiser. Mais les commerces peinent à se faire livrer. Selon certains directeurs de supermarché, les camions de produits frais en provenance d’autres régions du pays sont bloqués.
Dans les magasins, les paiements ne peuvent toutefois se faire qu’en espèces, constate notre correspondante à Dar es Salaam, Élodie Goulesque. Impossible d’utiliser une carte bleue en raison de la coupure du réseau internet. Difficile également d’utiliser l’argent mobile, un moyen de paiement pourtant très répandu en Tanzanie.
Plusieurs centaines de morts à travers le pays
Dans l’un des principaux hôpitaux de Dar es Salaam, des dizaines de brancards vides attendent à l’extérieur, tandis que des urgentistes se tiennent prêts à intervenir. Un dispositif inhabituel, confie un médecin à RFI. La direction, elle, affirme que les urgences fonctionnent comme d’habitude et qu’il n’y a pas plus d’affluence qu’en temps normal. Mais à l’abri des regards, deux urgentistes glissent avoir pris en charge plus d’une centaine de blessés par balle ces derniers jours, qui présentaient souvent des blessures graves.
Aucun chiffre officiel n’a encore été communiqué sur le nombre de victimes, mais des sources au gouvernement et dans la diplomatie font part de plusieurs centaines de morts à travers tout le pays depuis le début des manifestations. « Au moment où nous parlons, le nombre de morts à Dar es Salaam est d’environ 350 et il y en a plus de 200 à Mwanza. Si l’on ajoute les chiffres des autres endroits dans le pays, on arrive à un total d’environ 700 morts », a affirmé à l’AFP le porte-parole du parti d’opposition Chadema, John Kitoka.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a appelé ce vendredi les forces de sécurité en Tanzanie à ne pas recourir à une force « non-nécessaire ou disproportionnée » et les manifestants à « manifester pacifiquement ». Le Haut-Commissariat se dit également « alarmé » par le nombre de morts et de blessés.
La contestation en Tanzanie déborde du territoire national
Jeudi après-midi à Namanga, ville frontalière avec le Kenya, des échauffourées ont éclaté côté kényan, alors que des jeunes tentaient de rejoindre les manifestants tanzaniens, mais la police kényane les en a empêchés. Un jour après, la situation est revenue au calme, parce que de nombreux policiers kényans ont été déployés, selon des habitants. Des files de camions s’étendent sur plusieurs kilomètres, qui attendent de pouvoir passer en Tanzanie. Durant la coupure d’internet en Tanzanie, les procédures douanières ont été suspendues. La contestation bloque le trafic de marchandises dans ce corridor de commerce, explique notre correspondante à Nairobi, Gaëlle Laleix.
À Namanga la police kényane a repoussé avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc une foule de jeunes qui voulaient passer en Tanzanie. Certains habitants, cités par Reuters, parlent également de tirs à balles réelles, mais on ne dispose pas encore de bilan officiel.
Si l’on remet le scrutin tanzanien dans un contexte régional, on pouvait s’attendre cette mobilisation de jeunes kényans dans la contestation tanzanienne. Il sera suivi de près par les élections générales en Ouganda en janvier et au Kenya en 2027. Or depuis des mois, les sociétés civiles de ces trois pays dénoncent ce qu’ils appellent « une répression transnationale » qui s’exprime par des arrestations d’opposants ou de défenseurs des droits de l’homme, par-delà les frontières, avec la complicité des services de sécurité nationaux. Ce vendredi encore, Hussein Khalid, de l’ONG Vocal Africa, signale l’enlèvement de Shoka Juma, un journaliste kényan, intercepté à la frontière de Lunga Lunga par la police tanzanienne.



