Soudan: Kordofan du Nord, nouveau champ de bataille entre l’armée et les paramilitaires

Au Soudan, la région du Kordofan du Nord, située à l’est du Darfour du Nord, est devenue, depuis plusieurs semaines, un nouveau champ de bataille entre l’armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide. Ce combat ouvre un nouveau chapitre de la guerre qui a éclaté en avril 2023, rendant la situation au Soudan comme « la pire crise au monde » selon la description de l’ONU. La chute d’El-Fasher, capitale du Darfour du Nord, a ouvert l’appétit des paramilitaires pour conquérir d’autres territoires afin de renforcer leur position et asseoir également leur pouvoir au Kordofan après le Darfour. Les FSR contrôlent actuellement les cinq États du Darfour, une géographie qui a la taille de la France. L’armée régulière et les paramilitaires ont envoyé des renforts dans cette région, où les combats auront de fortes répercussions sur l’avenir de la guerre et/ou des discussions de paix au Soudan. 

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Après avoir pris Bara, ville stratégique au Kordofan du Nord, il y a une dizaine de jours, les paramilitaires visent El-Obeid, capitale de cet État, qu’ils assiègent depuis plusieurs mois. Des craintes se font alors entendre, sur un scénario qui ressemblerait à celui d’El-Fasher et de Bara, à savoir des exactions qui étaient exercées à très large échelle contre les civils. La prise d’El-Fasher la semaine dernière et les violences qui y ont été commises par les FSR ont un peu éclipsé, la chute de Bara quelques jours plus tôt et où des crimes similaires ont été perpétrés.

Exactions à Bara

Selon le Réseau des médecins soudanais qui alerte toujours sur ces exactions partout dans le pays : « des dizaines de corps sont entassés dans les maisons à Bara » et les paramilitaires interdisent aux familles d’y accéder. « C’est un crime contre l’humanité » indique un communiqué des médecins qui dénonce « le silence persistant envers ces crimes ». « C’est honteux », conclut leur communiqué. 

« Aujourd’hui, toutes nos forces ont convergé sur le front de Bara » a affirmé un membre des FSR, dimanche dernier. Bara comme El-Fasher est coupée du monde. Aucune présence médicale ou humanitaire effective n’y existe. La semaine dernière, Martha Pobee, la secrétaire générale adjointe de l’ONU pour l’Afrique, a alerté sur de « vastes atrocités » et des « représailles à motivation ethnique » commises par les FSR à Bara, évoquant un schéma similaire à celui observé au Darfour.

Le nombre des personnes disparues à Bara progresse tous les jours, ainsi que les vagues de départ des habitants qui se font dans des conditions très difficiles et une situation humanitaire très grave, précisent les médecins soudanais : « Ils fuient à pied, sans avoir à boire ou à manger et sans médicaments. » 

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36 000 civils ont quitté le Kordofan du Nord en une semaine

Cette situation très tendue au Kordofan du Nord ainsi que les combats actuels et ceux qui se préparent ont poussé, selon l’OIM 36 000 civils à quitter le Kordofan du Nord, en une semaine, de peur de représailles par les FSR. Alors que l’armée et les FSR s’affrontent pour le contrôle d’El-Obeid, des habitants ont rapporté à l’AFP, que des villes entières étaient devenues des cibles militaires. Les habitants aux alentours d’El-Obeid n’osent plus se rendre dans leurs champs. Cette ville, sous menace imminente d’attaque des FSR, est un important centre logistique et de commandement reliant le Darfour à Khartoum. Elle abrite également un aéroport. 

Les Forces de soutien rapide se préparent également à attaquer Babnusa, autre ville importante du Kordofan du Nord et où l’armée est fortement présente. Elle est cependant assiégée par les FSR. La fuite de civils se fait surtout depuis les localités où ont eu des massacres comme à Bara ou à Om Dam Haj Ahmad. Dans cette ville, près de 400 civils ont été tués jeudi dernier par les FSR, rapporte encore le Réseau des médecins soudanais. 

Le même jour, un nombre indéfini de victimes sont tombées à Zaribat al-Cheikh Borii, à la suite d’une attaque de drone. Lundi, selon l’armée, une quarantaine de victimes sont également tombées lors d’une autre frappe à Louaib, un village dans la localité de Khor Takt à l’est de la ville d’El-Obeid. Les victimes, tous des civils, étaient rassemblés à l’occasion d’un enterrement, indique le gouvernement du Kordofan du Nord. « Un crime qui s’ajoute à ceux déjà commis par les FSR », a écrit le gouvernorat sans réaction de la part des FSR.

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Des frappes aériennes de l’armée

De son côté, l’armée a mené des attaques contre les positions des FSR au Kordofan du Nord et au Kordofan de l’Ouest. Elle a visé, également, des renforts venant du Darfour. Mardi 4 novembre, elle a intensifié les frappes aériennes sur les zones contrôlées par les paramilitaires qui ont annoncé avoir abattu un cargo militaire à Babnusa, juste après avoir largué des munitions à l’armée assiégée dans cette ville. Les membres de l’équipage ont trouvé la mort.

Malgré les appels internationaux qui se multiplient pour un cessez-le-feu au Soudan, les deux belligérants s’entêtent à le remporter sur le terrain. Le ministre soudanais de la Défense a affirmé, mardi soir, que la guerre contre les paramilitaires allait continuer, après une réunion gouvernementale qui a discuté d’une proposition américaine du cessez-le-feu. 

Mardi 4 novembre, le chef de l’ONU, Antonio Guterres a appelé à un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise en train de devenir « incontrôlable ».

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