Sénégal: Régulation énergétique – La CRSE durcit les normes et les sanctions

Lors d’un atelier organisé à Saly les 28 et 29 novembre 2025 avec le Collectif des journalistes économiques du Sénégal (COJES), la Commission de Régulation du Secteur de l’Énergie (CRSE) a présenté les nouveaux instruments destinés à encadrer la performance du secteur électrique.

Objectifs chiffrés, normes techniques renforcées et pénalités financières substantielles. Le régulateur entend accélérer l’amélioration de la qualité du service. Mais les résultats 2024 de Senelec mettent encore en lumière d’importantes fragilités, notamment en ce qui concerne la durée des interruptions.

Depuis la loi de juillet 2021, la CRSE supervise l’ensemble des acteurs du système électrique : Senelec, les trois concessionnaires ruraux (Comasel, ERA, SCL), COGELEC, ainsi que les producteurs indépendants et autoproducteurs.

« L’objectif est clair : assurer aux Sénégalais une fourniture d’électricité continue et fiable, condition essentielle au développement économique », rappelle Boubacar Mbengue, expert à la CRSE. Chaque opérateur est ainsi soumis à un cahier de charges strict et à une obligation de reporting permettant un suivi précis de la performance du réseau.


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Le plan d’extension du réseau impose à Senelec un objectif majeur : raccorder 607 977 nouveaux clients entre 2023 et 2027, soit plus de 120 000 installations par an. « La répartition illustre une orientation stratégique nette : 60 % de l’effort porte sur les zones rurales, avec 360 476 raccordements, contre 247 501 en milieu urbain », précise M. Mbengue.

Les concessionnaires ruraux doivent également contribuer à cet effort : Comasel : 21 870 nouveaux abonnés d’ici 2026 ; SCL : 9 694 d’ici 2027 ; ERA : 17 158 d’ici 2028. « Ces objectifs ne sont pas indicatifs, mais contractuels ; leur non-respect expose les opérateurs à des sanctions », insiste l’expert.

Onze normes pour Senelec : un bilan 2024 en demi-teinte

Senelec est évaluée sur onze indicateurs couvrant l’ensemble de la chaîne de service : délais de branchement, énergie non fournie, fréquence et durée des coupures, qualité du courant, service client, fiabilité du prépaiement, vérification des compteurs et facturation électronique.

Le bilan 2024 fait apparaître des résultats contrastés.

« Sur l’énergie non fournie, le niveau est satisfaisant : 0,26 %, pour une norme fixée à 0,5 %. Le nombre de coupures, 9 interruptions par client, pour un maximum autorisé de 10 reste également conforme », souligne Boubacar Mbengue.

Mais la durée des coupures demeure problématique. « Chaque client a subi en moyenne 6 h 40 min de délestage, soit plus de quatre fois la norme d’1 h 30 min. Ce dépassement de 347 % révèle une lenteur préoccupante dans le rétablissement du service », déplore l’expert. Cette carence fragilise l’activité économique : « Dans une économie visant l’émergence, une telle instabilité constitue un handicap compétitif majeur. »

Un régime de sanctions réellement dissuasif

Les écarts par rapport aux normes entraînent des pénalités financières particulièrement lourdes. Pour Senelec : 1 410 FCFA par kWh d’énergie non fournie au-delà du seuil autorisé, dans la limite de 2 % du chiffre d’affaires ; 100 millions FCFA pour chaque coupure excédentaire au-delà de la norme de 10.

« Avec un chiffre d’affaires supérieur à 400 milliards de FCFA, le plafond de pénalités peut atteindre près de 8 milliards », précise M. Mbengue. Les concessionnaires ruraux sont également concernés : 6 669 FCFA par jour de retard pour la vérification d’un compteur ; 5 000 FCFA par jour pour COGELEC en cas de retard de réponse aux réclamations.

« L’idée est simple : rendre la médiocrité financièrement intenable pour encourager les investissements en faveur de la qualité », analyse l’expert. Le Code de réseau, colonne vertébrale de la stabilité du système La CRSE supervise également l’application du Code de réseau, qui constitue la charpente technique du système électrique. Celui-ci repose sur six composantes : planification, raccordement, exploitation quotidienne, comptage, gestion des crises et coordination entre opérateurs.

Les gestionnaires doivent transmettre des rapports réguliers sur la fraude, les pertes d’énergie, les équipements installés et les incidents survenus.

« Ces données permettent d’anticiper les défaillances et d’imposer les renforcements nécessaires », explique l’expert.

Vers une régulation moderne et exigeante

« Le Sénégal est en train de passer d’une régulation administrative classique à une régulation incitative fondée sur la performance », conclut Boubacar Mbengue. Selon lui, les résultats 2024 rappellent que la transformation du secteur est un processus de long terme : « La fiabilité de l’électricité conditionne directement la compétitivité nationale. Chaque heure de coupure représente des points de croissance perdus. »

Désormais dotée d’outils robustes, la CRSE devra surtout démontrer sa capacité à appliquer rigoureusement les sanctions prévues un enjeu majeur alors que 608 000 foyers doivent accéder à l’électricité d’ici 2027.

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