Seychelles: la présidentielle rattrapée par la controverse écologique de l’île d’Assomption

Alors que les Seychellois votent pour le second tour de la présidentielle, du 9 au 11 octobre, un projet d’hôtel de luxe sur l’île d’Assomption divise l’archipel. Située à proximité de l’atoll d’Aldabra, classé au patrimoine mondial de l’humanité, l’île cristallise les tensions entre tourisme, souveraineté et écologie.

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À quelques kilomètres d’Aldabra, sanctuaire des tortues géantes, l’île d’Assomption est considérée comme un joyau de la biodiversité seychelloise. Mais son bail à un investisseur étranger pour la construction d’un hôtel de luxe a provoqué une vague d’indignation.

Des images diffusées sur les réseaux sociaux, montrant des tortues blessées et des engins de chantier sur une zone jusque-là préservée, ont suscité une vive émotion. « À notre connaissance, il n’y a personne pour vérifier ces travaux ou s’assurer que les incidents soient rapportés, » alerte Gérard Rocamora, directeur scientifique à l’Université des Seychelles et président du Island Biodiversity Conservation Centre. « Le fait qu’un nouvel hôtel de luxe soit construit à côté de ce bijou qu’est Aldabra crée beaucoup d’inquiétudes. »

Espèces invasives et manque de contrôle

Le biologiste dénonce un manque de contrôle et de transparence autour du chantier. « Quand on construit un hôtel, on amène du matériel, des engins, des plantes exotiques, du terreau… Autant de voies possibles pour l’introduction d’espèces envahissantes qui pourraient atteindre Aldabra, un des rares endroits de la planète où l’impact de l’homme reste encore minimal. »

Ces risques ne sont pas théoriques, insiste-t-il. « Il faut donc des protocoles stricts de biosécurité pour empêcher l’arrivée d’espèces invasives. »

Selon lui, le gouvernement a annoncé que la Seychelles Islands Foundation (SIF) — organisme para-étatique qui gère Aldabra — allait travailler avec les constructeurs de l’hôtel pour minimiser ces risques. Un plan de biosécurité a été rédigé par la Island Conservation Society, mais « on ne sait pas dans quelle mesure il est appliqué », regrette le chercheur.

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Une île convoitée mais fragile

Pour Gérard Rocamora, le problème ne réside pas seulement dans la gestion du chantier, mais dans son emplacement même :

« Même si l’hôtel n’occupe que quelques pourcents de l’île, ce sont les zones les plus précieuses, comme l’immense plage d’Assomption — l’une des plus grandes et plus belles des Seychelles — qui seront directement affectées par la construction et les activités humaines liées aux villas et bâtiments construits à proximité immédiate. », indique-t-il. Et d’ajouter : « Même si l’essentiel des pontes de tortues, notamment celles des tortues vertes, a lieu la nuit, la présence humaine, les lumières et les vibrations peuvent perturber ce cycle naturel. »

Autrefois, sous la colonisation britannique, jusqu’à 300 tortues y étaient tuées chaque nuit. Aujourd’hui, il ne reste que des traces de cette richesse biologique. « Avec un hôtel sur cette plage, je crains qu’elle ne puisse jamais retrouver ce qu’elle était », soupire le biologiste.

Un dossier à forte charge politique

Le dossier a dominé la fin de la campagne présidentielle. Danny Faure, arrivé en tête du premier tour avec 49 % des voix, promet une gouvernance plus transparente et un encadrement plus strict des projets touristiques. Le président sortant Wavel Ramkalawan, lui, défend la poursuite des investissements étrangers pour soutenir l’emploi et relancer l’économie.

Mais au-delà des enjeux écologiques, le projet d’Assomption ravive aussi des questions de souveraineté. L’île avait déjà été au cœur d’une vive polémique il y a quelques années, lorsqu’un projet de base militaire conjointe avec l’Inde y avait été envisagé. Face à la contestation populaire, l’initiative avait finalement été abandonnée.

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Entre développement et conservation

Pour Gérard Rocamora, le défi des Seychelles est de trouver un équilibre entre développement économique et préservation des écosystèmes : « Je ne suis pas opposé à la présence d’un hôtel sur Assomption, à condition qu’il soit dimensionné correctement et qu’il permette de restaurer l’île. » Mais, insiste-t-il, « dans sa forme actuelle, le projet est disproportionné et mal encadré. »

Les résultats du second tour sont attendus ce week-end. Quel que soit le vainqueur, la controverse autour d’Assomption aura rappelé combien, dans cet archipel souvent cité en modèle de démocratie et de durabilité, la bataille entre écologie, souveraineté et tourisme reste loin d’être tranchée.

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