Série «Ralentir» : le Slow Food au Sénégal

Et si pour ralentir, il fallait commencer par la cuisine ? Le Slow Food, ce mouvement qui promeut une alimentation saine, en circuit court et qu’on prend le temps de cuisiner, en opposition à la restauration rapide, et au tumulte du quotidien existe-t-il au Sénégal ? La correspondante de RFI au Sénégal, Léa-Lisa Westerhoff est allée à la rencontre de deux chefs de la cuisine sénégalaise.

De notre correspondant à Dakar, 

« Bonjour, comment vous allez ? » Bienvenue chez Dasso, un tout petit restaurant dans une ruelle de l’île de Saint-Louis, au nord du Sénégal, qui donne sur la mer. À l’intérieur, cinq tables en bois dressées avec serviettes à petits carreaux, un frigo pour les boissons. La cuisine ouverte sur la salle, séparée par un comptoir et une porte battante. À l’extérieur, on peut lire « Slow Food » sur la pancarte.

Voilà presque 10 ans que Dasso, Soda Maryam de son vrai nom, cuisine ici. Et quand elle choisit d’appeler son restaurant Slow Food en 2016, c’était sans connaître le mouvement mondial du même nom : « Comme mon fils parle anglais mieux que moi, moi, je ne parle pas du tout, il me dit le « Fast » c’est la cuisine rapide, et le « Slow » c’est la cuisine lente et toi, tu as l’habitude de faire la cuisine lentement et nous, on a l’habitude de manger lentement, c’est comme que ça a commencé. »

Soda Maryam et Nafi et Mame Diarra qui l’aident en cuisine pour son restaurant chez Dasso.
Soda Maryam et Nafi et Mame Diarra qui l’aident en cuisine pour son restaurant chez Dasso. © Léa-Lisa Westerhoff/RFI

Mais de ce nom choisi par instinct, Dasso a fait son mantra et son mode de cuisine. Des produits frais achetés le jour même. Mafe, Thieb u diegne, mais aussi lentilles coco et un riz qui porte sa signature, Dasso avec son ingrédient fétiche, l’huile de coco : « il n’y a rien, rien qui passe au frigo, c’est pour cela que ça prend du temps, c’est pour cela que lorsque quelqu’un vient et est pressé, je lui dis : « mais regardez il y a marqué Slow Food pour que vous preniez votre temps !  »  Quand tu veux faire quelque chose de bien, il faut le prendre tout doucement. On a eu de tout, des problèmes parce que l’attente était trop longue, des gens s’impatientaient, mais dès qu’ils avaient fini de manger, c’est fini, ils étaient contents. »

Les recettes comme la sauce arachide du mafé et cet art de la convivialité, Dasso, née et grandit sur l’île de Saint-Louis et ne l’a pas appris sur les bancs de l’école : « L’amour ça vient de ma mère, elle prenait quatre fourneaux pour faire sa cuisine. Là, c’est du riz, là, c’est pour le soir, c’est là que j’ai appris, je ne suis pas allée à l’école pour ça. »

Le temps est une valeur fondamentale de la cuisine traditionnelle

Direction Dakar et une autre cuisine Maison Binaf, un traiteur-restaurant chic où le chef Youssoupha Dieme, président de la Fédération nationale des cuisiniers du Sénégal, confirme le temps est une valeur fondamentale de la cuisine traditionnelle sénégalaise : « La convivialité fait appel bien sûr à la discussion à la lenteur, souvent c’est une cuisine très lente ; car c’est une cuisine où ça mijote beaucoup, souvent la pièce principale c’est une céréale, le riz, le mil, le fonio qui n’est pas précuit ça prend du temps, ça fait appel à beaucoup de temps. » 

Le chef Youssoupha Dieme, membre du jury lors de la Finale Bocuse d’Or Afrique à Marrakech en Décembre 2024.
Le chef Youssoupha Dieme, membre du jury lors de la Finale Bocuse d’Or Afrique à Marrakech en Décembre 2024. © Youssoupha Dieme

Ce jour-là, c’est une paella sénégalaise qui mijote dans une grande marmite « il y a des fruits de mer, il y a de la viande, du poulet ». Et si les villes sénégalaises n’échappent pas à la tendance à l’accélération, le fait de prendre son temps, de ralentir et notamment au moment du dîner résiste, selon Youssoupha Dieme : « Je crois qu’il restera toujours cette valeur-là qu’on attend tout le monde, qu’on mange ensemble autour du « dakhine » c’est un plat traditionnel, c’est comme une bouillie salée ; c’est la dialectique, la différence entre la marmite et la poêle. La poêle ça va vite, la marmite, ça boue longtemps, mais la cuisine de la ville moderne, du déjeuner, c’est la poêle, les gens, ils vont vite, ils font quelque chose de rapide, le principal, c’est peut-être le soir, on mange bien, on fait l’ataya (le thé), on discute avec les parents et on dort, la marmite l’emporte le soir ! »

Alors poêle ou marmite ? À vous de choisir ! 

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