Rwanda: les ravages des pesticides dans les ruches d'abeilles

En Afrique de l’Est, les apiculteurs alertent sur les dangers de l’usage de pesticides pour les abeilles, insectes pollinisateurs indispensables à l’équilibre des écosystèmes et à la biodiversité. Les ruches et colonies sont de plus en plus affectées par l’augmentation de l’utilisation de pesticides chimiques en agriculture. RFI s’est rendue à Kareba, au nord du Rwanda, dans le district de Nyabihu.
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Avec notre correspondante Lucie Mouillaud, de retour de Kareba
Au milieu du rucher, l’apiculteur Jean d’Amour Bizimana compte les pertes de sa coopérative. Sur 40 colonies d’abeilles, 17 ont été décimées récemment. « Lors de la période des pesticides, les abeilles qui vont butiner près des plantations de pommes de terre meurent immédiatement. Les seules qui survivent sont celles qui restent vers la forêt du parc des volcans », explique-t-il.
Tout autour, les agriculteurs s’approchent jusqu’au rucher pour asperger de pesticide les champs de pommes de terre. La barrière de végétation, plantée par les apiculteurs, ne suffit pas à protéger leurs colonies. « Les récoltes de miel ne sont pas les mêmes qu’avant. Au cours de l’année, la récolte pouvait aller jusqu’à 200 kilos. Maintenant, c’est même difficile d’atteindre 50 kilos », souligne Charlotte Mutayimana, vice-présidente de la coopérative.
Dans la région, beaucoup d’agriculteurs utilisent les pesticides Rocket contenant du profenofos, produit interdit en Europe. « Nous essayons de parler aux agriculteurs, mais comme ils sont plus nombreux, on ne se fait jamais entendre. Les gens ne peuvent pas arrêter de cultiver, même pas juste à côté des ruches », ajoute Charlotte Mutayimana.
Pour limiter l’impact des pesticides sur les abeilles, certaines pratiques sont encouragées par les autorités, notamment leur utilisation en soirée plutôt qu’en matinée.
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Comme au Rwanda, le reste de l’Afrique de l’Est, n’est pas épargné. La mortalité des abeilles, liée aux pesticides, a augmenté en Ouganda, en Éthiopie, en Tanzanie et au Kenya.Jointe par RFI, Beatrice Nganso, spécialiste des abeilles au Centre international de physiologie et d’écologie des insectes de Nairobi, met en cause certains produits en particulier :
« Les zones concernées sont des zones où une grande quantité de pesticides – interdits sur le marché européen pour leur toxicité sur les insectes – circulent encore. C’est le cas des pesticides organochlorés. Dans cette classe de produits, il y a les DDT, très toxiques, et vous avez aussi les néonicotinoïdes. Ils sont toujours en circulation dans beaucoup de pays africains. L’un des effets directs, c’est d’amener à la mort des abeilles. L’effet indirect, c’est que l’on trouve des résidus de pesticides dans les produits apicoles, comme le miel ou la cire. »
Pour endiguer la mortalité des abeilles liée aux pesticides, Beatrice Nganso émet des conseils : « Que les agriculteurs reçoivent une formation sur la gestion intégrée des nuisibles et des pollinisateurs. La plupart des cultures, en Afrique, requièrent le concours des pollinisateurs, mais nos agriculteurs ne les prennent pas toujours en compte. »
« Nous leur apportons d’autres technologies que nous avons développées pour les détourner de ces pesticides qui ont aussi un impact sur leur santé. Nous introduisons la solution des parasitoïdes. Les œufs de ces organismes sont déposés sur le ravageur et, au cours du processus de développement de l’œuf, cela tuera le nuisible. Nous avons aussi d’autres types de pesticides », poursuit l’entomologiste.
Le changement climatique, qui a apporté des saisons de pluies plus longues, est aussi partiellement responsable des difficultés rencontrées par les apiculteurs.
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