Quand l’art rencontre l’urgence climatique : MSF lance « Clima Yaakaar » pour alerter sur les impacts sanitaires


À quelques mois de la COP30 au Brésil, Médecins Sans Frontières (MSF) innove en associant art et plaidoyer sanitaire. L’ONG médicale dévoile ce mercredi « Clima Yaakaar », une collaboration artistique avec des musiciens et danseurs d’Afrique de l’Ouest pour donner une voix aux populations les plus vulnérables face à la crise climatique.
L’urgence climatique tue déjà. Cette réalité, que les équipes de Médecins Sans Frontières vivent quotidiennement sur le terrain, trouve aujourd’hui une expression artistique puissante avec le lancement de « Clima Yaakaar« . Cette initiative inédite associe la chanson « Oya », composée par l’artiste Mao Sidibé, à une chorégraphie créée par la prestigieuse École des Sables du Sénégal de Germaine Acogny.
Le projet s’appuie sur une réalité médicale alarmante que MSF documente partout dans le monde. Comme le souligne le Dr Didier-Mukeba Tshialala, coordinateur médical de MSF en Afrique de l’Ouest et du Centre : « L’urgence climatique est une véritable urgence sanitaire. Les communautés les plus vulnérables, dont les femmes et les enfants en première ligne, paient aujourd’hui de leur santé et de leur vie pour un problème qu’elles n’ont pas créé. »
L’année 2024 a marqué un nouveau record de chaleur mondiale, s’inscrivant dans une décennie de températures exceptionnellement élevées. Cette tendance se traduit concrètement par une multiplication des crises sanitaires : inondations exceptionnelles en Afrique de l’Ouest et au Soudan du Sud, cyclones dévastateurs à Madagascar, sécheresses dans la Corne de l’Afrique. Au Sahel, la combinaison mortelle de paludisme et de malnutrition sature les services pédiatriques, contraignant les équipes de MSF à assurer désormais la prévention et le traitement de la malnutrition tout au long de l’année.
Des témoignages patients transformés en art engagé
Les paroles d’ »Oya » s’inspirent directement des témoignages recueillis par MSF auprès de patients au Niger, au Cameroun et à Madagascar. Cette démarche confère à l’œuvre une authenticité rare, transformant la souffrance réelle en message d’espoir et d’action.
« L’approche artistique réunit plusieurs émotions : la tristesse, l’urgence, l’esprit revendicatif, mais aussi l’espoir. Ensemble, nous sommes plus forts », explique Mao Sidibé. Cette vision résume parfaitement l’ambition du projet : dépasser la simple dénonciation pour mobiliser autour de solutions concrètes.
L’initiative artistique met en lumière les trois principaux mécanismes par lesquels le changement climatique affecte la santé : la propagation facilitée de maladies infectieuses, l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes, et l’augmentation des épisodes de chaleur intense. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), près de 70% des décès dans le monde sont dus à des maladies sensibles au climat.
Un plaidoyer artistique avant la COP30
Le timing de cette initiative n’est pas anodin. Lancée à quelques mois de la COP30 au Brésil, « Clima Yaakaar » s’inscrit dans une stratégie de plaidoyer visant à maintenir la pression sur les décideurs politiques. Malgré les promesses répétées des pays les plus riches et émetteurs de soutenir les nations les plus vulnérables, les mesures concrètes tardent à se matérialiser.
L’art devient ainsi un nouveau vecteur de sensibilisation pour MSF, complétant ses rapports médicaux et ses témoignages terrain. « À travers l’art, nous voulons rappeler que l’espoir existe — à condition d’agir dès maintenant », insiste le Dr Tshialala. Cette approche émotionnelle pourrait toucher des publics habituellement moins sensibles aux communications traditionnelles des ONG.
L’École des Sables, dirigée par la chorégraphe de renommée internationale Germaine Acogny, apporte sa caution artistique au projet. Cette collaboration entre art contemporain africain et plaidoyer médical illustre une tendance croissante : l’utilisation de la création culturelle pour porter des messages d’urgence sociale et environnementale.
Le défi reste immense. Face à l’ampleur de la crise climatique et de ses impacts sanitaires, « Clima Yaakaar » ne constitue qu’une pierre dans l’édifice de la sensibilisation. Mais en donnant une voix artistique aux populations les plus vulnérables, cette initiative pourrait contribuer à transformer la perception collective de l’urgence climatique, non plus seulement comme un enjeu environnemental futur, mais comme une crise sanitaire actuelle qui exige une réponse immédiate.