Présidentielle en Côte d’Ivoire : le PDCI face à l’épreuve de la succession de Tidjane Thiam

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À quelques mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le paysage politique se tend autour du cas Tidjane Thiam, radié de la liste électorale malgré son statut de candidat du PDCI-RDA. Cette exclusion fragilise la stratégie de l’un des principaux partis d’opposition, déjà confronté à des divisions internes. L’affaire relance les interrogations sur l’équité du processus électoral et ravive les tensions politiques.

Une radiation qui bouleverse les plans du PDCI

À l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), principale formation de l’opposition, traverse une zone de turbulence. La radiation de son président et candidat désigné, Tidjane Thiam, de la liste électorale, a pris de court la direction du parti et l’a plongé dans un débat stratégique : faut-il activer un plan B ou maintenir le cap, malgré les incertitudes ?

Le 22 avril 2025, la justice ivoirienne a confirmé l’exclusion de Tidjane Thiam de la liste électorale, invoquant une perte automatique de sa nationalité ivoirienne suite à l’acquisition de la nationalité française en 1987. Une décision irrévocable qui anéantit, du moins sur le plan juridique, les ambitions présidentielles du banquier et homme politique ivoirien. Ce dernier avait pourtant renoncé à la nationalité française en mars 2025, mais cette démarche a été jugée tardive.

Une opposition privée de ses figures majeures

Les avocats de Thiam soutiennent que leur client, étant français de naissance par filiation paternelle, aurait dû bénéficier de l’exception prévue par la loi. En vain. Pour de nombreux partisans, cette décision judiciaire est interprétée comme une manœuvre politique visant à neutraliser un concurrent sérieux. Tidjane Thiam n’est pas le seul à avoir été écarté de la course. L’ancien président Laurent Gbagbo, l’ex-ministre Charles Blé Goudé et l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, tous des figures majeures de l’opposition, sont également absents de la liste électorale pour des raisons judiciaires.

Ces exclusions alimentent les critiques sur un processus électoral verrouillé, où la justice est perçue comme un instrument au service du pouvoir. Les observateurs politiques dénoncent une récurrence préoccupante dans la vie politique ivoirienne : à chaque scrutin présidentiel, des candidats sont écartés sur des critères souvent controversés. En 2000 déjà, Alassane Ouattara, aujourd’hui président sortant, avait été empêché de se présenter pour des motifs similaires.

Tensions internes au sein du PDCI-RDA

Au sein du PDCI, cette mise à l’écart provoque une onde de choc. Officiellement désigné candidat par le parti en mai dernier, Tidjane Thiam avait été plébiscité pour incarner le renouveau d’une formation historique en perte d’influence. Mais sa radiation relance les dissensions internes. Un groupe de cadres regroupés au sein de l’Initiative pour la réconciliation et la sauvegarde du PDCI-RDA, composé notamment d’anciens du MEECI (Mouvement des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire) et de membres influents du parti, appelle désormais à la tenue urgente d’une nouvelle convention pour désigner un autre candidat.

Ils dénoncent une direction opaque, déconnectée de la base, et pointent du doigt un fonctionnement interne autoritaire. Le professeur Albert Yao, membre du Bureau politique, alerte : « L’incertitude sur la participation du PDCI à l’élection présidentielle démobilise nos militants. » Il plaide pour une nouvelle stratégie et une direction plus inclusive. En réponse, Sylvestre Emmou, secrétaire exécutif du parti, dénonce ces prises de parole qu’il juge « tapageuses » et assure que le PDCI reste solide, comme en témoignerait selon lui l’augmentation des adhésions depuis l’élection de Thiam à la tête du parti.

Une mobilisation populaire en réaction

En dépit de son exclusion, Tidjane Thiam reste très actif sur la scène politique. Le 9 août 2025, à Yopougon, l’une des plus grandes communes d’Abidjan, une marche pacifique géante a rassemblé plusieurs centaines de milliers de manifestants. Organisée par le front commun PDCI–PPA-CI, cette mobilisation visait à dénoncer l’exclusion des opposants majeurs et la candidature controversée d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat. Thiam, bien que non présent physiquement, a salué une « démonstration de civisme et de patriotisme » et remercié les manifestants pour leur discipline.

Il s’est dit fier d’une Côte d’Ivoire « de la paix, de la musique, de la discipline et de la joie », appelant à une contestation sans violence. Il a également affirmé avoir recueilli plus de 169 000 parrainages, malgré les obstacles à sa candidature. La marche, qualifiée d’historique par les organisateurs, s’est conclue sans incidents majeurs, renforçant l’image d’un mouvement d’opposition structuré et déterminé à peser dans le débat politique, même sans ses figures emblématiques à la présidentielle.

Un avenir politique incertain

Alors que le temps presse, les candidatures doivent être déposées d’ici quelques jours, le PDCI doit trancher : désigner un remplaçant à Tidjane Thiam ou maintenir sa ligne actuelle, quitte à prendre le risque d’une absence remarquée lors du scrutin. Des noms circulent en interne, dont Maurice Kakou Guikahué, ancien bras droit d’Henri Konan Bédié, comme possible recours. D’autres évoquent un ralliement stratégique à une coalition élargie de l’opposition. Rien n’est encore tranché.

En toile de fond, la société civile, les chancelleries occidentales et les institutions régionales comme la CEDEAO observent avec inquiétude l’évolution du processus électoral. L’exclusion systématique des principales figures de l’opposition jette un sérieux doute sur l’inclusivité du scrutin à venir. À six mois de l’échéance, la Côte d’Ivoire semble revivre les démons de son passé électoral, entre exclusions, tensions identitaires et crise de confiance envers les institutions.

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