Populisme en Afrique de l’Ouest : l’illusion du salut, le péril de la dérive

AES
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Le populisme avance à visage découvert en Afrique de l’Ouest. Il ne murmure plus, il clame. Il ne s’insinue plus dans les marges, il s’impose au centre du jeu politique. Du Mali au Burkina Faso, du Niger au Sénégal, il se répand, séduit, manipule, et détruit. Face à ce déferlement, il ne s’agit plus d’observer ni de relativiser. Il faut alerter, résister, et reconstruire. Car ce populisme n’est pas un souffle de renouveau, mais une machine de démolition politique.

Que voient les peuples ? Des leaders qui promettent de « libérer » le pays, de « rendre la souveraineté au peuple », de « chasser les corrompus ». Que vivent-ils réellement ? Une concentration autoritaire du pouvoir, une militarisation de l’État, une chasse aux opposants, la mise sous silence des voix critiques et l’effondrement des institutions.

Au Mali, les putschs de 2020 et 2021 ont été salués comme une « libération ». Mais en réalité, la transition a accouché d’un régime militaire sans contre-pouvoir, qui instrumentalise le patriotisme et la souveraineté pour museler les libertés fondamentales. La presse est sous surveillance, les partis politiques sont suspendus, la société civile est sous pression.

Au Burkina Faso, sous le capitaine Ibrahim Traoré, c’est l’hystérie populiste qui gouverne. La rhétorique révolutionnaire masque un autoritarisme brut. L’Assemblée a été dissoute, les syndicats sont réduits au silence, et toute critique est assimilée à une trahison de la patrie. La jeunesse est enrôlée dans des discours de haine et de vengeance, tandis que l’insécurité s’enracine.

Au Niger, le coup d’État du général Tiani, en juillet 2023, s’est également présenté comme un sursaut populaire contre un pouvoir jugé inféodé à l’extérieur. Mais là encore, le résultat est sans appel : suspension de la Constitution, mise à l’écart de la société civile, militarisation de la diplomatie, et isolement international.

Le populisme ouest-africain n’est pas une alternative politique, c’est une imposture. Il ne donne pas la parole au peuple, il la confisque. Il ne renforce pas les institutions, il les piétine. Il ne libère pas, il enferme dans l’illusion. Il transforme la critique légitime du système en culte de la personnalité, le débat en dogme, la nation en champ clos d’endoctrinement.

Ce populisme exploite les frustrations, les inégalités, les trahisons des élites traditionnelles. Il se nourrit des échecs de la démocratie libérale, mais il n’apporte aucune solution durable. Il plonge les pays dans l’instabilité, sape les fondements de l’État de droit et compromet gravement l’avenir des générations futures.

Face à cette offensive populiste, il faut réarmer les esprits et reconstruire les défenses républicaines. Repenser la démocratie, oui — mais pour la renforcer, pas pour l’abattre. Redonner du crédit aux institutions, protéger la presse, réhabiliter le débat, sanctuariser la séparation des pouvoirs.

Les peuples d’Afrique de l’Ouest n’ont pas besoin de messies. Ils ont besoin de justice sociale, de gouvernance transparente, d’éducation politique et d’un État qui protège sans opprimer. Il est temps de sortir de la fascination pour les uniformes et les tribuns en colère. Il est temps de défendre la République — non pas comme une coquille vide, mais comme un projet vivant, exigeant et inclusif.

L’histoire nous observe. Le silence face au populisme d’aujourd’hui est la complicité avec les dictatures de demain.

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