Ouverture de la COP30 à Belém: quels sont les enjeux pour l’Afrique?

La conférence des Nations unies pour le climat, la COP 30, débute ce lundi 10 novembre 2025 à Belém, aux portes de l’Amazonie brésilienne. Et pour le continent africain, les enjeux sont considérables. Alors que l’Afrique pèse moins de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, c’est elle qui en paie le prix le plus élevé. Chaque année, les catastrophes climatiques amputent entre 2% et 5% du PIB de nombreux pays africains. Conséquences, l’argent qui devait financer l’enseignement ou la santé et faire croître l’économie est réorienté vers la gestion des dégâts. Une véritable injustice pour les États africains qui réclament une transition juste et équitable.
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Lors du sommet des chefs d’États qui se tenait à Belém, en amont de l’ouverture de la COP 30, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a planté le décor : « La crise climatique n’est pas seulement une crise environnementale, c’est également une crise de justice et d’équité. Ceux qui ont le moins contribué au dérèglement climatique paient aujourd’hui le prix le plus lourd. Nos populations sont frappées par les inondations, les sécheresses extrêmes, l’érosion et l’insécurité alimentaire. Pendant ce temps, les financements demeurent insuffisants, fragmentés et trop souvent mal ciblés »; Un constat partagé par son homologue Denis Sassou Nguesso : « Dix ans après l’accord de Paris de 2015, force est de relever le fossé béant entre les ambitions proclamées et la grande insuffisance des efforts réalisés ». Le président du Congo-Brazzaville a donc interpellé les États occidentaux : « J’exhorte les nations nanties à accompagner financièrement les pays en développement dans leurs missions d’atténuation, d’adaptation et de prévention ».
Lors de la dernière COP à Bakou en Azerbaïdjan, les États s’étaient engagés à financer l’adaptation des pays du Sud à hauteur de 300 milliards de dollars par an. Une somme jugée dérisoire par ces mêmes nations qui réclamaient a minima, 1 300 milliards de dollars par an pour financer leur adaptation à un changement climatique dont ils sont victimes sans en être responsables. Pour les pays du sud, il s’agit de réparation au nom de la justice, et non de charité. Un avis partagé par Greenpeace Africa qui rappelle dans un communiqué que « ceux qui ont causé la pollution doivent payer la réparation » au nom du principe de pollueur payeur. Dans la ligne de mire de l’ONG, les entreprises fossiles qui engrangent des profits considérables depuis plusieurs années, sans être taxées pour financer la transition écologique. Autre source de mécontentement et d’injustice pour les États du sud, le financement du fonds pertes et préjudices adopté lors de la COP 28 à Dubaï qui demeure pour l’instant théorique, alors que les dégâts provoqués par les événements climatiques extrêmes ont explosé dans tous les pays à faible et moyen revenu.
Sauver les forêts tropicales
En choisissant Belém, petite ville aux portes de l’Amazonie, pour accueillir cette conférence mondiale, le président brésilien a symboliquement marqué les esprits. En associant climat et nature, et en faisant une priorité de la protection des forêts et des peuples autochtones qui l’habitent, Lula a voulu remettre en avant la place de l’homme au cœur d’une biodiversité dont il dépend pour sa survie.
Jeudi 6 novembre, juste après l’ouverture du sommet des chefs d’État, le président brésilien a donc lancé la Tropical Forest Forever Facility (TFFF), un mécanisme de financement permanent pour rémunérer les pays tropicaux qui protègent leur couvert forestier, au lieu de l’exploiter, et qui doit devenir un des symboles de cette COP de Belém. Président d’un pays qui abrite une grande partie des forêts du bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète, Félix Tshisekedi s’est immédiatement prononcé en faveur de ce nouveau fonds : « L’avenir de l’humanité dépend en grande partie des forêts. Force est de constater que ces forêts vitales sont aujourd’hui en péril ». Or, si l’Amazonie ou le bassin du Congo s’effondrent, l’accord de Paris s’effondrera avec eux.
Pour mettre en place la TFFF, un financement innovant a donc été imaginé. Il s’agit d’abord de collecter 25 milliards de dollars auprès des États. Cette somme permettrait d’emprunter 100 milliards de dollars supplémentaires auprès d’investisseurs internationaux, en rémunérant les prêteurs à hauteur de 5%. Les 125 milliards seront ensuite placés sur les marchés financiers. Le taux de rémunération estimé par les promoteurs de la TFFF est de 7,5 à 8%. Ainsi, l’écart de 3% permettrait de percevoir environ trois milliards par an. Ils seraient redistribués aux gouvernements à raison de quatre dollars par hectare de forêt protégée. Et 20% du montant devraient revenir aux populations autochtones, premiers gardiens de ces immenses forêts.
« Argent magique » ?
Mais Alain Karsenty, économiste au Cirad, et spécialiste des forêts, s’interroge sur ce modèle économique : « Emprunter à 5% et placer à 8%, ce serait de l’argent magique. Si c’était aussi facile, tous les pays feraient ça et on pourrait financer des tas de choses, la santé, la recherche, etc. Quand vous placez à 8% sur les marchés, c’est qu’il y a un risque. Le risque, c’est que l’argent ne soit pas remboursé ou que les intérêts annuels espérés parce que les entreprises ou les pays auraient des difficultés. »
A défaut d’être parfaite, la TFFF a au moins le mérite d’exister et de poser les conditions d’une préservation juste et équitable des forêts tropicales. Sans rémunération pour services rendu à la nature, les populations pauvres des forêts tropicales n’auront d’autre choix que de l’exploiter toujours davantage. La solution est sur la table, ne manquent que les investissements. C’est à présent au Brésil de décider si cette COP 30 sera un sommet de plus avec de vagues promesses, ou un tournant historique qui place les peuples et la planète avant les intérêts économiques à cours termes et les profits de quelques multinationales qui nous conduisent droit dans le mur.
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