ONU: plusieurs chefs d’États africains réitèrent leurs appels à des réformes de l’institution

La 80ème session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) bat son plein à New York. À la tribune, plusieurs chefs d’États africains ont appelé à une réforme de l’institution, dans la nuit du 24 au 25 septembre 2025. D’autres ont évoqué des problématiques plus nationales. Détails.
Publié le :
5 min Temps de lecture
« Les Nations unies sont-elles encore utiles ? Servent-elles encore à quelque chose ? À cela, je voudrais, du haut de cette tribune, répondre clairement : « Oui ! » », a lancé le président de la République du Congo durant l’Assemblée générale de l’ONU à New York.
Attaquées par Donald Trump et sous-financées, les Nations Unies sont menacées, mais toujours utiles, a poursuivi Denis Sassou-Nguesso : « Les Nations unies sont même indispensables, mais à une condition : à savoir qu’elles sachent évoluer, qu’elles sachent se réformer, se rapprocher des peuples et répondre concrètement aux défis innombrables des temps présents. Nous avons encore le choix : celui du courage, de la solidarité et de la responsabilité. Alors, ensemble, unis dans la diversité, ne laissons pas l’histoire se faire sans nous ! »
« Une représentation plus juste de l’Afrique au Conseil de sécurité »
Le président du Sénégal a, comme plusieurs de ses homologues africains, insisté sur une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU et appelé à une meilleure représentation des pays africains et de leurs intérêts dans les institutions internationales. « Nous ne pouvons occulter l’impératif de réforme de la gouvernance politique, économique et financière mondiale, a affirmé Bassirou Diomaye Faye. L’ONU, par sa vocation universelle, doit agir en pionnière des délibérations et des décisions plus démocratiques, plus légitimes et plus représentatives de ses États membres ».
Le chef de l’État sénégalais a ajouté : « Je renouvelle le soutien du Sénégal pour une représentation plus juste et plus équitable de l’Afrique au Conseil de sécurité. Il est temps d’instaurer une gouvernance économique et financière mondiale plus juste et plus inclusive pour répondre aux besoins de financement du développement durable. Nous savons tous que l’aide publique n’est pas la solution. D’autres leviers existent, notamment un cadre fiscal mondial équitable afin que l’impôt soit payé là où la richesse est produite. L’accès au crédit dans des conditions soutenables, afin que la gestion du fardeau de la dette n’entrave pas les efforts de développement de nos pays. »
Le président de Madagascar, lui, a cité l’exemple de son pays, pour évoquer la problématique du développement, à la veille de manifestation dans son pays contre les coupures d’eau et d’électricité.
Il n’y en a pas sans une énergie fiable, accessible et abordable. À Madagascar, nous sommes en train d’accélérer la transition énergétique afin d’atteindre une production énergétique à 70 % verte d’ici à 2028. En seulement six ans, le taux d’accès à l’électricité dans mon pays est passé de 24 % à 40 %. Des progrès notables ont été réalisés, mais nous sommes conscients que beaucoup reste à faire. Nous allons encore intensifier les efforts afin d’augmenter la production d’énergie propre pour que les populations rurales isolées ne soient pas laissées pour compte. La collaboration avec les systèmes des Nations unies joue un rôle essentiel. Ces initiatives illustrent une volonté de bâtir un avenir énergétique plus équitable, durable et innovant.
Le président Andry Rajoelina a marginalement adressé la question de l’énergie à Madagascar, mais sous la promesse d’une énergie «à 70% verte»
À lire aussiÀ l’ONU, Félix Tshisekedi appelle à la reconnaissance d’un «génocide congolais»
« Un financement pérenne des opérations de paix en Afrique »
De son côté, le président de la République centrafricaine (RCA) a mis en avant le contexte international marqué par de nombreuses guerres. Selon Faustin-Archange Touadéra, 80 ans après la création des Nations unies, « jamais depuis la Guerre froide, nous n’avons vu une telle fragilité ». Et de lister les conflits actuels en Ukraine, au Moyen-Orient, mais également sur le continent africain avec les crises au Soudan, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), au Sahel et dans la Corne de l’Afrique.
« Si nous voulons mesurer la gravité du moment, regardons particulièrement l’Afrique : en 2025, plus de 40 % des conflits armés dans le monde se déroulent sur ce continent, a assuré le président de la RCA. Le Sahel seul concentre des milliers de victimes et des millions de déplacés. Pour la République centrafricaine, nous savons que notre stabilité conditionne celle de toute l’Afrique centrale. Nous savons aussi que la paix n’est jamais acquise, mais toujours à construire avec patience et solidarité ». Et de réclamer les moyens de maintenir cette stabilité sur le continent : « Nous demandons un financement structurel et pérenne des opérations de paix en Afrique, reposant sur des contributions obligatoires et non sur le volontariat. Sans sécurité, il n’y a ni prospérité, ni droits humains effectifs. »
Enfin, le président des Comores, après avoir salué la reconnaissance de l’État de Palestine par plusieurs pays occidentaux et pointé la responsabilité d’Israël, en a profité pour revenir sur le contentieux de Mayotte, département français revendiqué par son pays. « Du haut de cette tribune, je ne peux passer sous silence la question de Mayotte, île comorienne toujours sous occupation française, malgré les options claires et répétées de l’ONU, entre autres de l’Union africaine et d’autres structures, a débuté Azali Assoumani. Le dialogue engagé avec la France sur ce que feu le président François Mitterrand a qualifié de « contentieux désagréable« doit aboutir. Car ce différend, qui n’a que trop duré, coûte chaque année la vie à des milliers de nos compatriotes, dans le bras de mer séparant Mayotte et les autres îles sœurs. L’Union des Comores poursuivra sans relâche son action diplomatique et juridique afin que justice soit rendue et pour qu’une solution juste soit trouvée, à la question de l’île comorienne de Mayotte, qui constitue l’une des dernières blessures de la décolonisation en Afrique ».
Parmi la trentaine de chefs d’État, de gouvernements, d’institutions ou de vice-présidents du gouvernement ce 25 septembre 2025, de nombreux sont attendus à la tribune. Par ordre de passage, ceux de la Somalie, du Gabon, du Ghana, de la Guinée-Bissau, de l’Eswatini, de la Guinée équatoriale, du Soudan du Sud, de la Libye, du Botswana, de l’Éthiopie, de la Tanzanie, de la Gambie, de l’Ouganda, du Tchad, du Soudan et de Sao-Tomé-Et-Principe.
Tous propos recueillis par notre envoyé spécial à New York, Julien Chavanne
Mission multinationale en Haïti: «Avec le personnel et les ressources adéquates, la sécurité peut être rétablie», affirme le président kényan
Parmi les neuf chefs d’État, de gouvernements ou vice-présidents africains à avoir pris la parole ce 24 septembre à l’ONU, le président kényan a d’une part salué la tenue du prochain sommet Afrique-France, les 11 et 12 mai 2026 à Nairobi. D’autre part, William Ruto est également revenu sur la situation en Haïti où une force multinationale (MMAS) est déployée contre les gangs et dans laquelle son pays joue un rôle central. Il a déploré le manque de moyens, estimant que les résultats auraient pu être meilleurs avec les ressources adéquates. « La mission a travaillé dans un environnement volatile, sous d’énormes contraintes », avec seulement environ un millier d’hommes sur les 2 500 espérés, a-t-il souligné. « Mais, malgré ces défis, et contre toute attente, la MMAS a obtenu des résultats que beaucoup pensaient impossibles », a-t-il assuré, citant la reprise de contrôle du palais présidentiel, du port, la réouverture d’écoles. « Ce qui entraine cette question : si tant a pu être accompli avec des ressources limitées et un personnel insuffisant, en seulement 15 mois, qu’est-ce qu’on aurait pu faire si la fraternité des Nations unies avait vraiment agi en solidarité avec le peuple haïtien ? ». Pour tenter d’enrayer les exactions des gangs qui contrôlent la quasi-totalité de la capitale Port-au-Prince, le Conseil de sécurité de l’ONU avait donné son feu vert en 2023 à la création de la Mission multinationale de sécurité (MMAS), menée par le Kenya, pour aider la police haïtienne. Mais alors que les résultats de la force, sous-équipée et sous-financée, sont mitigés, les États-Unis poussent depuis quelques semaines pour sa transformation en une « force de répression des gangs » plus robuste, soutenue par un bureau dédié de l’ONU et avec jusqu’à 5 550 policiers et soldats.
À lire aussiONU: le président kényan exprime son exaspération sur le dossier haïtien



