«On a l’impression de mendier nos droits»: à Madagascar, des jeunes Tananariviens tentent à nouveau de défiler

Plusieurs milliers de jeunes sont actuellement rassemblés aux abords de l’Université d’Ankatso, dans l’est de la capitale Antananarivo. Ils répondent à l’appel du collectif « Gen Z » pour protester contre les coupures d’eau et d’électricité et pour le respect des libertés fondamentales, avec désormais une revendication de plus en plus pressante : la démission du président Rajoelina.
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Avec notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry
Dans la capitale de Madagascar, des jeunes manifestants, masqués et vêtus de noirs, font face aux forces de l’ordre, lourdement armées, qui les empêchent d’accéder au centre-ville d’Antananarivo depuis maintenant près de 10h du matin, heure locale. À intervalles réguliers, de violentes détonations retentissent dans un ciel chargé de gaz lacrymogènes. Les jeunes mobilisés sont contraints de rebrousser chemin vers l’Université d’Ankatso
Un slogan résonnait ce lundi en tête de cortège : « Rajoelina démission ». Et ces mots ont été repris par presque tous les étudiants rencontrés ce matin.
« L’argent public ne profite qu’à une minorité »
À l’origine de cette colère, l’épuisement et l’exaspération d’une jeunesse malgache confrontée tous les jours au manque d’eau et d’électricité. « On a l’impression qu’on mendie pour nos droits élémentaires », disait Kasaina, 17 ans, à RFI, en racontant ses difficultés à étudier l’informatique, à cuisiner, à se laver en l’absence d’eau et de courant.
« Ce qui se passe actuellement est tout simplement inacceptable. Nous réclamons nos droits fondamentaux, nous réclamons ce qui est juste, nous réclamons ce qui est normal », lance Tsiky, 20 ans, étudiant en informatique. « Mais dans ce pays, tout ce qui doit être réalisé n’est pas réalisé. L’eau et l’électricité, on le voit tous les jours. Moi, je vois ma mère le matin, elle stresse déjà : comment elle va faire le ménage, comment elle va cuisiner. Elle ne sait pas quoi faire. Et on ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne nous écoute pas quand on essaye de faire des marches simples, des marches pacifiques. Il nous envoie des lacrymogènes. Même dans l’enceinte de cette université, on ne se sent plus en sécurité. On essaye de montrer qu’il y a des problèmes, qu’on veut avoir notre minimum nécessaire en tant qu’être humain, en tant que peuple, en tant que nation, mais ils s’en foutent totalement ».
Ces jeunes manifestants, souvent diplômés mais chômeurs, dénoncent aussi la corruption des élites dirigeantes, incapables selon eux de résoudre les problèmes du pays. « L’argent public ne profite qu’à une minorité », affirmait, lui, Michael, 25 ans.
Un autre jeune homme s’est adressé aux forces de l’ordre en début de matinée. « Vos enfants vivent les mêmes problèmes que nous », leur a-t-il lancé, les mains en l’air. Tous redoutent ici une répression violente.
Dimanche, le collectif Gen Z Madagascar a formulé une première liste de revendications officielles : y figure notamment la demande d’excuses publiques de la part du président Rajoelina et de son Premier ministre au sujet « de la répression mortelle exercée contre des manifestants pacifiques et non-armés ».
« Le président Andry Rajoelina n’est plus la solution pour la population malagasy »
Jessica, 23 ans, étudiante en finance et comptabilité, souhaite la démission du Président Andry Rajoelina : « Rien ne va, plus rien ne va, et on a peur pour notre avenir. On a peur de ne pas trouver de travail. Aujourd’hui, les jeunes après leur baccalauréat, ils ne voient plus l’avenir ici à Madagascar. Ils veulent directement partir à l’étranger. Voilà le schéma actuel du désespoir de la jeunesse à Madagascar. Il faut tout simplement arrêter la corruption, il faut changer de système, de dirigeants. Le Président Andry Rajoelina n’est plus la solution pour la population malagasy. »
Les étudiants réunis à Antananarivo assurent vouloir poursuivre leur mobilisation pour obtenir, disent-ils, un « Madagascar meilleur ». Ailleurs sur la Grande-Île, les villes de Diego-Suarez, Antsirabé et Fianarantsoa ont aussi été le théâtre de manifestations étudiantes.
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