Noël au Belize: l’héritage africain du Krismos Bram et du Sambai

Le Krismos Bram et le Sambai, deux célébrations traditionnelles béliziennes, ont été récemment ajoutées au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Symboles de l’héritage africain du pays issu de l’esclavage, ces fêtes de Noël font partie intégrante de la culture créole du Belize.

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Noël avant l’heure au Belize. Depuis le 9 décembre, deux célébrations traditionnelles du pays d’Amérique latine – le Krismos Bram et le Sambai – figurent sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. « Une étape importante » pour le petit État de 417 000 habitants, voisin du Guatemala, qui « met en lumière la richesse de son patrimoine culturel vivant », s’est réjoui l’office du tourisme du Belize dans un communiqué.

Associées au village emblématique de Gales Point Manatee, à l’est du Belize, ces festivités rassemblent, chaque Noël, les communautés créoles du pays. Elles s’inscrivent dans l’héritage africain du pays, issu de la période esclavagiste.

Noël créole

Chaque 25 décembre, au premier son des Gumbay et des Sambai – des tambours confectionnés localement – les habitants se réunissent à l’extrémité nord de leur village. Le Krismos Bram commence alors par une grande procession de musiciens, de danseurs et de chanteurs.

La parade avance de maison en maison, fédérant le plus de personnes possible, au rythme de la Brokdong – un style de musique où instruments européens et sonorités africaines se mélangent. Une fois le village parcouru du nord au sud, la procession rebrousse chemin et retourne au point de départ. Avec la même énergie, qui dure jusque dans la soirée du 26 décembre.

Mais à Gales Point, les festivités ne se limitent pas au Krismos Bram. Propre au village, la danse du Sambai clôt chaque journée de festivités.

Alors que tombe la nuit, des chanteurs et des tambours s’assemblent autour d’un grand feu de joie. Ils jonglent entre chants modernes et traditionnels pour aborder des thématiques sociales et transmettre l’héritage culturel de ces pratiques aux plus jeunes. La croyance veut que cette danse soit « liée aux cycles lunaires et aux récoltes agricoles », explique sur son site l’Institut national de la culture et de l’histoire du Belize (NICH).

Héritage africain

Formé vers le début du XIXe siècle, le village de Gales Point est traditionnellement associé à ces festivités. Appelé « Malanti » en créole, il a longtemps servi de refuge aux esclaves dits « marrons », qui avaient réussi à s’enfuir des plantations dans lesquelles ils étaient détenus.

C’est au sein de cette communauté, élargie au fil des décennies, que le Krismos Bram et le Sambai sont apparus. Les origines du Bram peuvent être retracées jusqu’au début du XVIIIe siècle, selon le NICH.

Les esclaves africains étaient alors fréquemment envoyés dans les forêts du pays pour y récolter du bois et « rentraient voir leurs familles pendant la période de Noël » seulement. De l’occasion de fêter ces retrouvailles serait alors né le Krismos Bram. En langue créole, Krismos est effectivement la traduction de « Christmas ».

Mais, selon Thais Tanure, doctorante à la Sorbonne et spécialiste des enjeux mémoriels de l’esclavage au Brésil, il s’agit également de prendre en compte les mélanges inter-ethniques des populations d’esclaves.

« Elles ne viennent pas forcément du même peuple, de la même communauté en Afrique. Elles ne partagent pas forcément la même langue. » Mais, dès lors qu’un village est fondé, apparaît alors un espace au sein duquel « les symboles peuvent être partagés » mais aussi où « d’autres vont être récréés ». « La transformation est inhérente au processus », conclut la chercheuse.

Ainsi, si des similarités entre le Krismos Bram, le Sambai et certaines célébrations africaines peuvent subsister aujourd’hui, les traditions béliziennes ont évolué au gré des siècles et des déplacements forcés.   

Transmettre et préserver

Tout l’enjeu de ces célébrations réside aujourd’hui dans leur capacité à continuer d’exister, alors que les populations des villes les délaissent peu à peu, souligne le NICH. Les chansons, transmises oralement de génération en génération « reflètent les histoires, les récits et les réalités de ces communautés ».

Le NICH constate toutefois que la tradition tend à disparaître, progressivement reléguée à la seule communauté de Gales Point Manatee. Le style musical du Brokdong, propre aux célébrations, est la première victime de ce détachement de la tradition bélizienne du Krismos Bram. « Si le Brokdong peut exister sans le Bram, le Bram ne peut exister sans le Brokdong », constate l’Institut.

Outre la « réparation symbolique » après « des siècles d’oppression et d’humiliation », la reconnaissance par l’Unesco de ces traditions offre aux communautés concernées « une mise en valeur de ce patrimoine », remarque Thais Tanure.

Sans être en mesure de garantir la pérennité de ces célébrations, leur inscription au patrimoine immatériel de l’humanité salue un héritage, symbole parmi tant d’autres de la capacité à faire société des populations victimes de la brutale histoire coloniale américaine.

Que protège le patrimoine culturel immatériel de l’Unesco ?

Cousin discret – mais non moins important – du célèbre patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), le patrimoine culturel immatériel de l’humanité a vu le jour en 2006. Comme son nom l’indique, il se soucie exclusivement des particularités culturelles impalpables. Le Yodel suisse, l’art équestre portugais, le henné ou le soufflage de verre syrien sont autant sont autant d’exemples inscrits dans l’immatérialité culturelle reconnue par l’Unesco. Une manière pour l’organisation de préserver les pratiques humaines ancestrales.

Adoptée trente ans plus tôt, la première Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, ne se préoccupait que des sites géographiques et des structures tangibles. Elle s’inscrivait alors dans la volonté initiale à l’origine de la fondation de l’Unesco : préserver les symboles physiques de l’histoire humaine après les ravages de la Seconde Guerre mondiale.

Mais à l’approche du nouveau millénaire, l’organisation considère de plus en plus la nécessité d’étendre son attention au patrimoine immatériel. En 2003, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est adoptée et rentre en vigueur trois ans plus tard. Une décision motivée par « la menace que peuvent représenter les modes de vie contemporains et le processus de mondialisation » explique l’Unesco sur son site.

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