Nigeria : l’enlèvement de plus de 40 fidèles dans une mosquée relance les inquiétudes sur l’insécurité dans le nord


Alors que le Nigeria tente de restaurer un climat de paix dans ses régions les plus instables, une nouvelle attaque sanglante fait ressortir la fragilité de ces efforts. Le rapt de plus de 40 fidèles en pleine prière dans l’État de Zamfara, au nord-ouest du pays, est la preuve de la recrudescence des violences armées et l’impuissance des autorités face à des groupes de plus en plus organisés.
Une attaque brutale a frappé le village de Turbi, dans l’État de Zamfara, au nord-ouest du Nigeria. Le dimanche 15 septembre 2025, des hommes armés ont pris d’assaut une mosquée durant la prière du matin, kidnappant plus de 40 personnes avant de disparaître dans la forêt.
L’État de Zamfara, épicentre de la violence
Depuis plusieurs années, l’État de Zamfara est devenu l’un des foyers de l’insécurité au Nigeria. Entre conflits communautaires, banditisme armé et attaques terroristes, la région est prise en étau. Selon la police locale, les assaillants ont visé délibérément les fidèles rassemblés pour la prière de l’aube, profitant de la vulnérabilité du moment. Le porte-parole de la police, Yazid Abubakar, a annoncé le déploiement immédiat de forces de sécurité et le lancement d’une opération de sauvetage.
Ce nouveau rapt intervient pourtant un mois seulement après que le gouvernement de Zamfara a signé un accord de paix avec un groupe armé local. L’objectif était de mettre fin aux attaques récurrentes dans l’État. Mais cette attaque souligne les limites de ces accords souvent précaires et leur inefficacité à long terme.
Les enlèvements de masse : une stratégie désormais bien rodée
Le phénomène des enlèvements de masse, souvent contre rançon, est devenu une pratique quasi systématique dans plusieurs régions du Nigeria. Qu’il s’agisse de groupes criminels à motivation économique ou de groupes djihadistes, la méthode est désormais bien connue : cibler des lieux symboliques ou vulnérables, écoles, mosquées, villages isolés, pour capturer un maximum d’otages.
On se rappelle encore de l’attaque de Chibok, en 2014, plus de 270 lycéennes avaient été enlevées par Boko Haram. Ce qui avait suscité une vague d’indignation internationale avec le mouvement #BringBackOurGirls. L’attaque de Kankara, en 2020 avec plus de 300 élèves d’un internat enlevés dans l’État de Katsina. Il y a eu aussi l’assaut de Kaduna, en 2021, alors que plusieurs dizaines d’étudiants avaient été enlevés dans une université, certains ayant passé des mois en captivité.
Le poids des groupes armés et l’échec de l’État central
La multiplication de ces attaques s’explique en partie par la prolifération de groupes armés dans le nord et le centre du Nigeria. Aux côtés des bandits opérant dans les forêts de Zamfara ou de Katsina, on retrouve également des factions liées à Boko Haram et à l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP). Ces groupes profitent d’un terrain géographique difficile à contrôler et de la faiblesse des institutions locales.
Malgré une présence militaire importante, les forces de sécurité nigérianes manquent souvent de coordination, d’équipement et de renseignement. Le gouvernement fédéral, quant à lui, peine à instaurer une stratégie globale efficace. Les initiatives telles que les accords de paix avec des groupes criminels, bien qu’apaisantes à court terme, sont largement critiquées pour leur manque de suivi et leur effet dissuasif limité.
Une problématique continentale
Le Nigeria n’est pas un cas isolé. D’autres pays africains sont confrontés à des dynamiques similaires. Au Burkina Faso, par exemple, les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à Daech multiplient les attaques contre les villages et enlèvent régulièrement des civils. Au Niger, les régions frontalières avec le Mali et le Nigeria sont régulièrement frappées par des attaques armées, souvent accompagnées de kidnappings.
En République Démocratique du Congo, des groupes rebelles comme les ADF (Forces Démocratiques Alliées) ont également adopté la tactique de l’enlèvement, ciblant villages, églises et camps de déplacés. Ces situations révèlent des failles systémiques : faiblesse des États, pauvreté endémique, corruption, mais aussi l’absence d’une coopération régionale efficace face à des menaces transfrontalières.
Quelles perspectives pour les otages de Turbi ?
Dans le cas de Turbi, les forces de sécurité affirment poursuivre les recherches, mais peu d’informations filtrent. L’expérience des précédents enlèvements laisse craindre une issue longue et incertaine, surtout si les ravisseurs exigent des rançons. Certaines familles, dans l’attente, redoutent que leurs proches ne soient emmenés vers les campements forestiers, souvent situés à des kilomètres, et utilisés comme bases retranchées par les bandits.