Nigeria: La transformation du développement du Nigeria est riche d'enseignements à l'échelle du continent

Le Nigeria, le pays le plus peuplé et la plus grande économie d’Afrique, occupe une place centrale dans la trajectoire de développement du continent.

C’est un pays au potentiel immense, doté de ressources naturelles abondantes, d’un vaste marché intérieur et d’une population jeune et dynamique. Cependant, il est également confronté à des défis structurels complexes : déficits en infrastructures, vulnérabilités budgétaires, chômage et dépendance excessive à l’égard des recettes pétrolières. C’est dans ce contexte que le Rapport pays 2025 de la Banque africaine de développement consacré au Nigeria présente une analyse opportune de la manière dont les réformes, la résilience et les partenariats contribuent à remodeler la trajectoire de développement du pays à l’échelle continentale.

Des réformes audacieuses pour des résultats mesurables

Le Nigeria prend des mesures décisives pour diversifier son économie, renforcer la mobilisation de ses ressources nationales et rétablir sa stabilité macroéconomique. Ses récents changements de politique, notamment la suppression des subventions aux combustibles fossiles et les réformes du régime de change, témoignent d’une forte volonté politique de s’attaquer à des distorsions de longue date. Ces décisions audacieuses et souvent difficiles représentent un travail de fond essentiel pour débloquer l’investissement et restaurer la marge de manoeuvre budgétaire.

Des résultats significatifs ont été obtenus. Le Document de stratégie pays de la Banque africaine de développement (2025-2030) engage 2,95 milliards de dollars sur quatre ans, avec un cofinancement supplémentaire de 3,21 milliards de dollars de la part des partenaires, et se concentre sur l’amélioration du fonctionnement du capital du Nigeria en faveur de son développement. Les recettes fédérales ont fortement augmenté, passant de 16 800 milliards de ₦, soit environ 10,92 milliards de dollars (7,2 % du PIB) en 2023 à 31 900 milliards de ₦, soit environ 20,74 milliards de dollars (11,5 % du PIB) en 2024, ce qui représente un quasi-doublement en une seule année, grâce à des réformes fiscales globales, à la suppression des subventions aux combustibles fossiles et à l’unification du taux de change. Le déficit budgétaire s’est réduit à 4,3 % du PIB en 2024 et devrait atteindre 4,1 % en 2025.

Néanmoins, il reste d’importants défis à relever. Le ratio impôts/PIB du Nigeria, l’un des plus faibles de la région, n’est que de 13 %, et le pays est toujours confronté à un déficit annuel de financement du développement de 31,5 milliards de dollars. Toutefois, les bases d’une gestion budgétaire durable sont en train d’être posées à l’échelle du continent.

Le développement des infrastructures : relier les nations

Le Nigeria est confronté à un déficit de financement de ses infrastructures estimé à 100 milliards de dollars. Les routes, l’électricité, les chemins de fer, l’approvisionnement en eau et les transports urbains nécessitent tous des investissements soutenus pour répondre aux besoins d’une population croissante et d’une économie en pleine expansion. La Banque africaine de développement est un partenaire clé dans cet effort, le développement des infrastructures et du secteur privé étant considéré comme une priorité vu son importance cruciale pour que la croissance soit inclusive et durable.

Grâce à des investissements ciblés, la Banque contribue à éliminer les goulets d’étranglement qui entravent la productivité et à favoriser l’intégration régionale. Les réformes du secteur énergétique ont ajouté 500 MW au réseau électrique national, grâce auxquels 60 % de la population a accès à l’électricité, contre 55 % en 2022, et elles ont attiré 1,2 milliard de dollars d’investissements privés.

Le corridor autoroutier allant de Lagos à Abidjan illustre la vision continentale du Nigeria. Avec 15,6 milliards de dollars d’intérêts d’investissement garantis et une construction débutant en 2026, cette autoroute côtière transnationale de 1028 kilomètres reliera la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin et le Nigeria. Couvrant près de 75 % de l’activité commerciale de l’Afrique de l’Ouest, elle reliera des zones urbaines qui devraient accueillir 173 millions de résidents d’ici 2050, créant ainsi des corridors économiques qui soutiendront la mise en oeuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine.

La transformation agricole à grande échelle

Dans le secteur agricole, le soutien de la Banque aux zones spéciales de transformation agro-industrielle est conçu pour transformer les économies rurales en donnant un coup de fouet à la valeur ajoutée de la production, en réduisant les pertes post-récolte et en créant des emplois. Lancé en avril 2025 avec 538 millions de dollars de la Banque africaine de développement et de ses partenaires, dans huit États, le programme représente l’agriculture au-delà de la subsistance, évoluant vers un secteur moderne et concurrentiel qui peut contribuer de manière significative à la sécurité alimentaire et aux exportations.

Son impact prévu sera transformateur : 400 000 emplois directs et 1,6 million d’emplois indirects bénéficiant, selon les estimations, à 1,5 million de ménages tout en débloquant 1 milliard de dollars d’investissements du secteur privé. Le Mécanisme africain de production alimentaire d’urgence a déjà fourni des semences certifiées et des engrais à deux millions d’agriculteurs, ce qui a permis d’augmenter les rendements de maïs de 15 % pour atteindre quatre tonnes par hectare en 2024 et de réduire la dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires de 5 %.

Lors du Forum sur l’investissement en Afrique 2024, le Nigeria a suscité un intérêt sans précédent, s’assurant 2,2 milliards de dollars d’investissements pour la phase II du programme des zones spéciales de transformation agro-industrielle, soit plus que tous les autres programmes africains de zones spéciales de transformation agro-industrielle réunis. Avec 28 autres États qui ont exprimé leur intérêt, cela représente une transformation agricole qui pourrait remodeler la sécurité alimentaire dans toute l’Afrique.

Investir dans la jeunesse africaine

Le profil démographique du Nigeria constitue à la fois un défi et une opportunité. Avec plus de 60 % de la population âgée de moins de 25 ans, il est crucial d’investir dans le capital humain. La Banque d’investissement dans l’entrepreneuriat des jeunes, approuvée avec 100 millions de dollars en octobre 2024, représente une nouvelle approche pour relever les défis de l’emploi des jeunes au niveau continental.

Le programme d’investissement dans les entreprises numériques et créatives (i-DICE), lancé en mars 2023 avec 618 millions de dollars de la Banque africaine de développement et de ses partenaires, cible l’économie créative du Nigeria, qui est déjà la deuxième industrie cinématographique au monde après Bollywood. L’i-DICE, qui devrait créer six millions d’emplois et générer 6,4 milliards de dollars pour l’économie nigériane, positionne le pays comme le principal centre africain pour les jeunes entrepreneurs technologiques et créatifs.

L’amélioration de la productivité et de l’employabilité de la jeunesse nigériane sera essentielle pour soutenir la croissance, réduire les inégalités et libérer tout le potentiel des ressources humaines du pays. Les efforts en matière de protection sociale sont tout aussi ambitieux, le programme national de protection sociale atteignant 32,2 millions de bénéficiaires en janvier 2025.

Des enseignements à tirer pour le développement du continent

Les Assemblées annuelles 2025 de la Banque africaine de développement ont souligné la nécessité de faire travailler plus efficacement le capital, tant financier qu’humain, de l’Afrique au service du développement du continent. L’expérience du Nigeria montre qu’il est important d’aligner les programmes de réforme nationaux sur le financement international du développement et d’obtenir la participation du secteur privé. Elle montre que même les environnements de développement les plus complexes peuvent produire des progrès tangibles lorsque la cohérence politique, le soutien institutionnel et l’investissement convergent.

L’histoire du développement du Nigeria diffère de celle de ses voisins, non seulement par son ampleur, mais aussi par sa pertinence à l’échelle du continent. Les réformes économiques à Lagos affectent la confiance des entreprises à Accra et à Abidjan. La productivité agricole à Kaduna influence la sécurité alimentaire régionale. Les infrastructures reliant le Nigeria à ses voisins déterminent la structure des échanges commerciaux dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Le chemin qu’il nous reste à parcourir

Si la route est encore longue, l’histoire du Nigeria est celle d’un optimisme prudent et d’une transformation significative. En 2025-2026, des étapes clés permettront de vérifier si le développement à l’échelle du continent peut être maintenu : le maintien d’une croissance du PIB de 3,2 % tout en augmentant le ratio impôts/PIB pour atteindre 14 % ; les accords de formalisation de la phase II des zones spéciales de transformation agro-industrielle dans 28 États supplémentaires afin de débloquer 3 milliards de dollars d’investissements privés ; et le financement final du corridor Lagos-Abidjan d’ici la fin de l’année.

Les leçons qui en découlent, de la réforme stratégique au financement innovant, offrent des perspectives pour d’autres pays d’Afrique. Alors que le continent s’efforce de réaliser l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les objectifs de développement durable, le parcours du Nigeria sert à la fois de modèle et de motivation pour le développement à grande échelle. Les réalisations récentes montrent que la réussite du Nigeria profite à l’Afrique. Le géant du continent s’éveille et sa transformation modifiera la trajectoire de développement de l’Afrique.

Cette analyse s’appuie sur le Rapport pays 2025 de la Banque africaine de développement : Le Nigeria, un examen des défis et des opportunités uniques de la transformation du développement à l’échelle continentale.

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