Niger: la dissolution de cinq syndicats et la radiation de deux magistrats suscitent des réactions

Au Niger, la dissolution de cinq syndicats du secteur de la justice, il y a deux semaines, suivie de la radiation de deux magistrats, membres du syndicat autonome des magistrats du Niger (Saman), continue de susciter des réactions.
Publié le :
2 min Temps de lecture
La semaine dernière, les magistrats du Niger ont entamé une grève illimitée à l’appel du Saman, alors même que le gouvernement publiait une ordonnance « relative à la discipline des magistrats pendant la période de la Refondation ». Cette ordonnance confère au président le pouvoir discrétionnaire de sanctionner les magistrats pour tout fait jugé attentatoire à l’image des institutions et qui irait à l’encontre de la Charte de la Refondation.
Me Amadou Bachir, avocat nigérien, y voit une norme d’exception aux conséquences graves pour les magistrats : « C’est une attaque directe à l’indépendance de la justice, puisque l’ordonnance a un seul article qui confère au chef de l’État le pouvoir discrétionnaire de pouvoir se prononcer sur la discipline des magistrats. L’ordonnance vient – quand même – prendre le contrepied d’un certain nombre de principes démocratiques, de principes d’état de droit. Et naturellement, la charte aujourd’hui a une valeur supra-législative, et donc, les dispositions qui sont contraires à la charte, aujourd’hui, interpellent plus d’un. »
« La rédaction de l’ordonnance est tellement ambigüe qu’elle évoque, de façon assez vague, la faute grave, sans la définir. Elle renvoie également à tout comportement jetant le discrédit sur les institutions, sans la définir. C’est en cela que c’est dangereux, parce qu’en réalité, cette ordonnance laisse une large marge d’interprétation au chef de l’exécutif – donc au chef de l’État – qui, de façon discrétionnaire, pourrait juger de façon subjective la possibilité de sanctionner un magistrat », poursuit Me Amadou Bachir.
« Des atteintes aux libertés fondamentales »
Au cours de la semaine, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains qui regroupe la FIDH (Fédération internationale pour les droits humains) et l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture) a condamné ces décisions prises par les autorités de Niamey. L’observatoire estime que la dissolution de ces syndicats soulève des inquiétudes pour la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice et appelle les autorités nigériennes à faire marche arrière.
Depuis l’avènement du régime militaire, il y a une forte tentation, de la part du pouvoir public, à s’immiscer dans les affaires judiciaires et cette immiscion s’est traduite par des arrestations et des injonctions des autorités exécutives aux autorités judiciaires. Nous avons, ces derniers temps, documenté plusieurs arrestations parmi lesquelles nous avons le cas de Moussa Tchangari qui est un défenseur des droits humains et qui est en détention depuis plus de neuf mois, pour avoir uniquement critiqué le régime.
Drissa Traoré, chargé de programme sur le Sahel à la FIDH
À lire aussiNiger: Moussa Tchangari, figure de la société civile, reste emprisonné malgré les demandes de l’ONU