Niger : Bakura, chef de Boko Haram, annoncé mort


L’armée nigérienne affirme avoir tué Ibrahim Mahamadou, alias « Bakura », chef redouté du groupe djihadiste Boko Haram. L’opération aurait eu lieu le 15 août dans la région de Diffa, près du lac Tchad, lors de frappes ciblées. Cette annonce est présentée comme une victoire majeure contre l’insurrection islamiste dans la région.
Mais en l’absence de preuves formelles, de nombreux observateurs appellent à la prudence.
Une frappe ciblée dans le bassin du lac Tchad
Selon l’état-major nigérien, l’opération a été menée dans la région de Diffa, au sud-est du pays, sur l’île de Chilawa. L’armée affirme que trois frappes aériennes précises ont permis de « neutraliser » le chef djihadiste, considéré comme l’un des hommes les plus redoutés de la région. Originaire du Nigeria et âgé d’une quarantaine d’années, Ibrahim Mahamadou avait rejoint Boko Haram il y a plus de treize ans avant d’en prendre la tête en 2021, après la mort d’Abubakar Shekau.
Son nom est associé à plusieurs attaques sanglantes : l’enlèvement de plus de 300 élèves à Kuriga en mars 2024, des attentats suicides contre des marchés et des mosquées, ainsi que des offensives meurtrières contre les armées du Nigeria, du Niger, du Tchad et du Cameroun.
Un dirigeant plusieurs fois annoncé mort
Cette annonce s’inscrit dans une longue série de déclarations similaires, souvent démenties par la suite. Abubakar Shekau, le prédécesseur de Bakura, avait lui-même été « tué » à plusieurs reprises avant d’apparaître dans des vidéos pour prouver sa survie. Le chercheur Vincent Foucher, spécialiste de Boko Haram au CNRS, souligne qu’il convient de faire preuve de prudence. Il rappelle que de nombreux chefs djihadistes ont par le passé été déclarés morts à tort, avant que ces informations ne soient démenties.
D’autres sources diplomatiques ou sécuritaires indiquent d’ailleurs que Bakura pourrait toujours être en vie. Elles rappellent qu’en 2020, le Niger avait déjà affirmé à tort l’avoir éliminé.
Boko Haram, une menace persistante
Né au Nigeria au début des années 2000, Boko Haram est devenu, depuis 2009, l’un des principaux groupes djihadistes d’Afrique, responsable de plus de 40 000 morts et de millions de déplacés. Après avoir été affaibli par la mort de Shekau, le groupe a su se restructurer sous la houlette de Bakura, notamment autour du lac Tchad. Sa faction a multiplié les raids, pillages et attaques contre les forces armées régionales et concurrencé même l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap).
Le conflit, qui s’étend désormais au Niger, au Tchad et au Cameroun, continue de déstabiliser durablement toute la région.
Entre victoire militaire et incertitudes
Si la mort de Bakura était confirmée, elle représenterait un coup sévère porté à Boko Haram et un succès symbolique pour Niamey. Mais tant que des preuves tangibles ne seront pas présentées, le doute persiste. L’histoire récente a montré que les annonces de la disparition de leaders djihadistes sont souvent prématurées.
Pour les populations vivant autour du lac Tchad, prises en étau entre violences et insécurité alimentaire, la question n’est pas seulement de savoir si Bakura est mort, mais si cela changera réellement leur quotidien.