Mobilisation pour le retour des biens mal acquis sur le continent

Ces dernières années, beaucoup de procédures ont été engagées contre des entreprises étrangères en Afrique et leurs pratiques de corruption. Des cas emblématiques ont été jugés, comme celui de Glencore. Il est cependant difficile de voir l’argent restitué.
Un mouvement de réflexion est engagé sur le continent, auquel contribue particulièrement le collectif Restitution pour l’Afrique emmené par Jean-Jacques Lumumba, qui a déposé une plainte au mois de mars. Cette plainte déposée auprès Parquet national financier de Paris a fait du bruit car elle est inédite : elle concerne plusieurs membres de Bolloré pour « recel » et « blanchiment ».
« Souvent, quand on dénonce la corruption, on s’attaque aux corrompus, mais on fait très peu allusion aux corrupteurs. Et l’objectif que nous menons, c’est de pouvoir s’attaquer aux corrupteurs et de pouvoir s’attaquer aux fruits et aux bénéfices de la corruption », détaille Jean-Jacques Lumumba, qui est à la tête du collectif. Et de poursuivre son analyse : « Ces produits de la corruption produisent des bénéfices et des flux financiers qui arrivent dans des pays. Il faudrait que ces pays-là, cette captation de ressources, soient aussi considérés comme des biens mal acquis. C’est ça tout le concept de biens mal acquis inversés. »
Un système de corruption favorisé par le cadre bilatéral – entre les multinationales et les États – des négociations et du traitement des contentieux. L’ONU appelle pour contrer cela à la mise en place d’une convention fiscale. « Si on a un cadre global, on peut avoir une mesure de la redevabilité qui soit beaucoup plus utile. À l’intérieur de cadres bilatéraux de négociations, il y a un problème de transparence. Il y a une asymétrie d’information, il y a une asymétrie de capacité. Et si ces asymétries-là sont localisées à un niveau bilatéral, il est très difficile de les changer. Par contre, si on les situe dans un cadre global, par exemple le cadre des Nations Unies malgré la faiblesse actuelle de l‘ONU, on peut ouvrir ces boîtes d’asymétrie pour qu’il y ait plus d’informations disséminées et qu’il y ait plus de transparence », précise le Dr Ibrahim Assane Mayaki, ancien Premier ministre du Niger, coprésident du groupe de haut niveau qui travaille sur ces questions à l’ONU.
Repenser l’utilisation des fonds saisis
Quand les entreprises sont appelées à payer, il est là encore difficile d’y voir clair. Le cas de Glencore au Cameroun est emblématique. L’entreprise est accusée d’avoir payé des pots de vin pour assurer son approvisionnement en pétrole. La société écope d’une amende de plus d’un milliard de dollars aux États-Unis. « Les pays victimes n’ont pas un radis en compensation. Largent est parti aux États-Unis et en Angleterre », dénonce Akere Muna, un avocat spécialiste de la lutte contre la corruption et le fondateur de Transparency International Cameroun. « Dans le cas de ces sociétés corrupteurs, il faudrait absolument que les fonds soient restitués de façon très transparente à ces pays-là. Parce que le danger – comme dans le cas d’Obyang en France – c’est quand on condamne de renvoyer [l’argent] dans un pays et que ce sont les mêmes [personnes] qui sont en place, ça pose un problème », souligne-t-il.
Chaque année, le continent perdrait ainsi 25% de son PIB à cause de la corruption. Un « fléau » qui freine les investissements et accroît les inégalités, dénonce la Banque africaine de développement.
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