Marrakech : +67% de millionnaires en 10 ans, mais 2,5 millions de Marocains restent pauvres

Marrakech millionnaires et pauvreté
Marrakech millionnaires et pauvreté

La progression de 67% du nombre de millionnaires à Marrakech selon l’Africa Wealth Report 2025 révèle un paradoxe saisissant : alors que le Maroc brille par sa concentration de grandes fortunes, 2,5 millions de Marocains vivent toujours sous le seuil de pauvreté.

Le Maroc présente aujourd’hui l’un des contrastes les plus frappants d’Afrique : troisième pays du continent par le nombre de millionnaires avec une croissance spectaculaire à Marrakech (+67% en dix ans), il reste marqué par des inégalités profondes, avec un roi parmi les plus riches du monde régnant sur un peuple où la pauvreté touche encore des millions de personnes.

Une ascension fulgurante dans le classement des fortunes africaines

Selon l’Africa Wealth Report 2025 publié par Henley & Partners, le Maroc s’est hissé à la troisième place du classement africain des pays comptant le plus grand nombre de millionnaires, avec 7 500 personnes disposant d’un patrimoine supérieur à un million de dollars. Cette performance le place devant des géants comme le Nigeria (7 200) et le Kenya (6 800), et ne le fait devancer que par l’Afrique du Sud (41 100) et l’Égypte (14 800).

Le royaume a enregistré la troisième plus forte croissance de millionnaires du continent au cours de la décennie 2015-2025 (+40%), devancé uniquement par l’Ile Maurice (+63%) et le Rwanda (+48%). Une performance d’autant plus remarquable que sur la même période, la population millionnaire du Nigeria s’est fortement contractée (-47%), de même que celles de l’Angola (-36%) et d’Algérie (-23%).

Marrakech, nouveau joyau de la richesse africaine dans un pays ou la pauvreté persiste

Au cœur de cette transformation, Marrakech occupe une place particulière. La ville ocre affiche une progression de 67% du nombre de millionnaires en une décennie, ce qui en fait la deuxième destination qui a connu la plus forte croissance de millionnaires en Afrique entre 2015 et 2025, devancée seulement par le district de Black River à Maurice (+105%).
Marrakech compte désormais 1 700 millionnaires résidents dont 14 centi-millionnaires et 2 milliardaires. Cette croissance spectaculaire s’explique par le tourisme haut de gamme, l’immobilier de luxe et les investissements dans l’hôtellerie, transformant l’ancienne cité impériale en véritable hub de la richesse régionale.

Pourtant, derrière ces chiffres mirobolants se cache une réalité sociale plus complexe. Entre 2014 et 2024, la population en situation de pauvreté est passée de 4 à 2,5 millions, avec le monde rural qui y concentre encore 72%.

Bien que la pauvreté multidimensionnelle ait reculé, passant de 11,9% à 6,8% entre 2014 et 2024, des disparités territoriales profondes demeurent. Le taux de pauvreté rurale reste plus de quatre fois supérieur à celui des zones urbaines, à 13,1% contre 3%.

Plus inquiétant encore, l’indice de Gini, qui mesure les inégalités de revenus, est remonté de 38,5% en 2019 à 40,5% en 2022, soit un retour à des niveaux proches du début des années 2000. Cette remontée des inégalités coïncide paradoxalement avec l’explosion du nombre de millionnaires.

Un roi, symbole de cette concentration extrême

Au sommet de cette pyramide des richesses trône Mohammed VI, reconnu comme le roi le plus riche d’Afrique avec une fortune estimée entre 2 et 9 milliards de dollars selon les sources.

La holding El Mada, qui regroupe toutes ses sociétés, a la mainmise sur l’économie marocaine (énergie, finance, BTP, mines, éducation privée, grande distribution…) jusqu’à faire des Marocains non plus les sujets du roi, mais ses « clients ». Cette concentration du pouvoir économique soulève des questions sur les conflits d’intérêts, puisque ces sociétés activent aussi dans les secteurs régulés par l’État, donc par le roi lui-même.

Le train de vie royal reflète cette opulence : le budget 2023 consacré aux dépenses du monarque s’élève à 543,4 millions de dirhams (l’équivalent de 50 millions d’euros), sans compter une trentaine de palais et de résidences, dont les frais de fonctionnement sont assumés par l’État.

Un modèle de développement en question

Cette situation pose des questions fondamentales sur le modèle de développement marocain. Comment expliquer qu’un pays puisse simultanément attirer autant de grandes fortunes tout en conservant des poches de pauvreté aussi importantes ?

Le Maroc a créé un « magnétiseur de millionnaires » grâce à des taxes compétitives, une position stratégique et des politiques favorables aux affaires. Mais cette stratégie économique, si elle réussit à attirer les capitaux, semble peiner à faire ruisseler la richesse vers les couches populaires.

Le défi pour les années à venir ne sera pas de multiplier les millionnaires, mais de réconcilier la réussite économique avec la justice sociale. Car dans un pays où le roi est roi des riches, la pauvreté, elle, reste la reine des rues.

Marrakech, avec ses palaces cinq étoiles côtoyant des quartiers populaires déshérités, cristallise cette dualité. La ville incarne à la fois la réussite économique marocaine et les limites d’un modèle qui, s’il sait créer de la richesse, peine encore à la partager équitablement.

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