Mali: où en sont les négociations avec les jihadistes pour la levée du blocus?

Début septembre, le Jnim, lié à al-Qaïda, a décrété un embargo sur les importations de carburant au Mali. Depuis, des camions-citernes sont incendiés quasi quotidiennement. Les jihadistes imposent également un blocus à Kayes et Nioro du Sahel, à la frontière sénégalaise. L’armée escorte des convois pour tenter d’assurer la circulation des marchandises, l’un d’eux a pu arriver à Bamako mardi 7 octobre. En parallèle, des contacts ont été établis avec le Jnim pour obtenir une levée du blocus, jusqu’ici sans succès.
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« Le contact n’est pas rompu, mais ça ne va pas aboutir tout de suite », prévient une source sécuritaire malienne proche des négociations.
Il y a une dizaine de jours, des élus de la région de Mopti établissent le contact avec le Jnim, sous l’égide des services maliens de renseignements, pour permettre aux camions-citernes de circuler sans être attaqués, et pour mettre un terme au blocus imposé à Kayes et à Nioro. Par la suite, d’autres personnalités ont proposé leurs services. Des négociations ont également été ouvertes, par d’autres canaux, pour la libération de deux otages émiratis capturés par le Jnim fin septembre.
Officialisation de négociations directes
« Il y a trop d’intermédiaires, trop de discussions éparpillées sur le territoire », explique la source sécuritaire malienne, qui rapporte que le Jnim exige l’ouverture d’un canal unique de négociations, directement avec l’État malien. « Ils veulent aussi que ces négociations soient officialisées ouvertement, ajoute cette source sécuritaire malienne, ils en font un point essentiel, mais ça, c’est difficile. » Une exigence confirmée par une autre source civile malienne de la région de Mopti, directement impliquée dans les discussions en cours, qui estime que les démarches parallèles ont « parasité » les négociations sur la levée du blocus : « ils veulent un processus de dialogue unique et clairement identifié. »
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Prisonniers morts en détention
Autre point de blocage, recoupé auprès de plusieurs sources concordantes : le Jnim exige la libération de nombreux combattants arrêtés par l’armée malienne – aucun chiffre précis n’a été communiqué par les différentes sources de RFI. L’une d’elle précise : « Ils ont donné une liste, il y a parmi eux des poseurs de bombes et des experts [en explosifs, NDLR]. » Problème : plusieurs de ces combattants sont morts au cours de leur détention, ce qui rend de fait leur libération impossible. « L’armée veut aussi négocier la libération de militaires pris en otage », ajoute la source sécuritaire malienne. Si leur nombre total n’est pas connu, les jihadistes du Jnim ont capturé plusieurs dizaines de soldats maliens au cours des nombreuses attaques menées contre des camps militaires au cours des dernières années.
Plusieurs sources expliquent également que le Jnim exige des autorités de Transition que la vente informelle d’essence dans les villages ne soit plus contrôlée par l’armée, de sorte que ses combattants puissent eux-mêmes se ravitailler facilement. « C’est faux, dément pour sa part la source sécuritaire malienne, ils n’ont pas besoin de ça ». Parmi les autres exigences des jihadistes pour la levée du blocus figurent la fin des contrôles de l’armée dans les gares routières ou encore le port du voile par les femmes dans les autocars.
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« L’argent »
Depuis un mois et demi, le « jihad économique » mené par le Jnim, et particulièrement le ciblage des camions-citernes sur les routes du Mali, a démontré son efficacité : des pénuries d’essence ont été constatées dans de nombreuses régions et jusqu’à Bamako, au point que les autorités de transition ont annoncé un « plan d’action » pour assurer le ravitaillement du pays en denrées de première nécessité et en carburant, avec notamment des escortes militaires pour tenter de sécuriser les convois.
Outre la libération de prisonniers, dont certains sont déjà morts, quel serait donc l’intérêt pour les jihadistes de négocier plutôt que de poursuivre leur action, qui affaiblit plus que jamais le régime en place ? Que peut encore proposer Bamako ? Réponse de la source sécuritaire malienne : « l’argent ». À ce jour, aucun accord n’a été conclu.
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