Mali: le Jnim poursuit son offensive, le Premier ministre dénonce «une tentative de déstabilisation»

Au Mali, le Jnim a encore attaqué un convoi de camions citernes mardi 21 octobre à la frontière ivoirienne, malgré l’escorte militaire. Les jihadistes poursuivent sans relâche leur offensive, maintenant une grave pénurie de carburant dans le pays et imposant également, depuis vendredi, le port du voile aux femmes sur les routes du pays. Certaines ont déjà été fouettées pour ne pas avoir respecté l’injonction. Mardi, le Premier ministre de transition, le Général Abdoulaye Maïga, a dénoncé « une tentative de déstabilisation ».
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Malgré l’escorte militaire, terrestre et aérienne, les jihadistes ont attaqué les camions citernes en fin d’après-midi entre Sikasso et Zégoua, à la frontière ivoirienne, encore une fois. C’est au moins la troisième attaque de camions de carburant en dix jours dans cette zone, où plusieurs centaines de camions citernes sont toujours bloqués. Aucun bilan fiable sur le nombre de militaires et de transporteurs tués, l’armée malienne ne communique jamais sur ces attaques. Les jihadistes ont, comme à chaque fois, diffusé des images de camions en flammes.
Essence, électricité, gaz…
Ces citernes devaient se rendre à Bamako, où la pénurie de carburant s’aggrave chaque jour : les files d’attente se contorsionnent sur des rues entières devant les stations encore ouvertes, et il faut patienter plusieurs heures pour espérer trouver de l’essence. Des scènes devenues tristement habituelles, que l’on observe également à Ségou, Mopti et dans la plupart des régions du Mali.
Les coupures d’électricité se sont aussi aggravées et les générateurs qui les pallient ne tournent plus, faute de carburant, ce qui pénalise de nombreuses activités. Certaines boulangeries ont cessé de produire du pain, selon plusieurs témoignages à Bamako. Un phénomène encore limité, mais qui suscite évidemment de l’inquiétude. Les bouteilles de gaz butane, pour la cuisine, sont également de plus en plus difficiles à trouver. « Jusqu’où cela va-t-il aller ? » s’interroge un Bamakois, décrivant avec terreur une sorte de spirale infernale.
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Inflexion du discours officiel
Le Premier ministre de transition, le Général Abdoulaye Maïga, a dénoncé mardi 21 octobre la « tentative de déstabilisation » que constitue le « changement de mode opératoire » du Jnim. Une inflexion dans le discours officiel, qui depuis un mois et demi tend plutôt à minimiser la portée de cette nouvelle guerre économique menée par les jihadistes. Le Premier ministre, qui s’exprimait à l’occasion d’une rencontre avec les entreprises du secteur pétrolier, s’est d’ailleurs montré plus conciliant avec eux. « Il n’y a pas de point de divergence, leur a-t-il lancé, vos problèmes sont nos problèmes ». Des propos qui tranchent avec ceux du ministre de l’Industrie, qui accusait la semaine dernière les opérateurs privés d’être à l’origine de la pénurie d’essence à cause de leurs mauvais comportements – augmentation des prix, rétention des stocks.
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Le chef du gouvernement de transition multiplie désormais les « comités de gestion des crises et des catastrophes », promettant « des mesures fortes et urgentes » pour « le ravitaillement en hydrocarbures ». Principales mesures : la poursuite des escortes militaires, mais aussi « un schéma de dispatching coordonné des camions par zone, dans les régions, à Bamako et par stations-service ».
« Honneur » des transporteurs
Le Synacor, Syndicat national des chauffeurs et conducteurs routiers du Mali, a renoncé lundi à la grève qui avait été annoncée dimanche soir suite aux propos d’un membre du Conseil national de transition (CNT). En revanche, le syndicat a porté plainte, devant le pôle national anti-cybercriminalité, contre Aboubacar Sidicki Fomba. Acharné soutien de la Transition, ce membre du CNT avait accusé les transporteurs de camions citernes de simuler de fausses pannes pour revendre du carburant aux jihadistes.
Ses excuses n’ont pas apaisé la colère des routiers qui entendent « laver [leur] honneur » devant la justice, selon les propos d’un porte-parole, mais qui ont cependant accepté de reprendre le travail. Des chauffeurs sont tués à chaque attaque de convois par les jihadistes.
Femmes non voilées fouettées
Outre l’embargo sur les importations de carburant, décrété début septembre, le Jnim exige depuis vendredi dernier que les femmes portent le voile dès lors qu’elles circulent sur les routes maliennes. Une injonction scrupuleusement respectée par les compagnies de transport, soucieuses d’éviter les problèmes. Car les jihadistes ont immédiatement mis en place des contrôles : plusieurs sources rapportent que des femmes non couvertes ont été forcées de descendre de leur véhicule entre Bamako et Ségou, dimanche. Pas de violence pour cette fois, mais un « rappel à l’ordre » de la part des jihadistes, selon les témoignages recueillis.
Des femmes non voilées ont en revanche été fouettées lundi entre Kouri et Koutiala, selon les informations du média malien Studio Tamani, ensuite confirmées à RFI par plusieurs sources locales. « C’est la première fois à cet endroit », s’alarme l’une d’elles. Une autre rapporte des précédents dans la région. Les jihadistes du Jnim imposent déjà leurs règles dans de nombreuses parties du territoire sous leur contrôle, notamment dans le nord et dans le centre du pays, où des centaines de villages ont été contraints de conclure des accords locaux ces dernières années. Désormais, le Jnim tente de faire du port du voile pour les femmes la nouvelle norme sur toutes les routes du pays.
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