Mali: l'ancien Premier ministre Moussa Mara est emprisonné depuis un mois

Au Mali, cela fait tout juste un mois, lundi 1er septembre, que Moussa Mara est en prison. L’ancien Premier ministre a été inculpé et placé sous mandat de dépôt, le 1er août dernier pour, notamment, « atteinte au crédit de l’État » et « opposition à l’autorité légitime ». En cause : un message publié sur les réseaux sociaux dans lequel il assurait vouloir se battre « par tous les moyens » pour que « le soleil » succède à « la nuit ». Son entourage et l’ONG Amnesty international attendent désormais son procès, prévu à la fin du mois.
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Moussa Mara était l’une des dernières figures, au Mali, critiques des autorités de transition.
Un mois après son emprisonnement, les proches de Moussa Mara ont organisé une lecture du Coran à son domicile. Depuis son incarcération, ses soutiens ont également multiplié les publications sur les réseaux sociaux. Parmi eux, des personnalités politiques ou de la société civile maliennes, mais également des figures internationales, à l’instar de l’ancien Premier ministre tchadien Albert Pahimi Padacké : « Devant l’oppression, tu refuses de plier, (…) La dignité triomphe toujours de la peur, (…) Debout avec toi pour une Afrique de liberté ! », écrit-il.
Hermann Diarra est le président, en France, de Yelema. Ce parti de Moussa Mara est dissous depuis le mois de mai, comme toutes les organisations politiques du pays. « Moussa Mara garde le moral, témoigne ce proche, il fait face à cette épreuve avec calme, courage et détermination. Il demeure combatif et convaincu que la vérité et la justice finiront par triompher. »
« Son combat dépasse sa personne »
Moussa Mara a été emprisonné, le 1er août dernier, au terme d’une série de convocations de la Justice malienne. En cause : un message publié sur les réseaux sociaux le 4 juillet dans lequel l’ancien Premier ministre expliquait avoir rendu visite à plusieurs détenus politiques ou de la société civile. Il les qualifiait de « prisonniers d’opinion », un qualificatif que Moussa Mara ne renierait pas pour son propre cas.
« Aussi longtemps que dure la nuit, le soleil finira évidemment par apparaître, avait également écrit Moussa Mara, et nous nous battrons par tous les moyens pour que cela arrive, et le plus tôt possible ! »
Les partisans de l’ancien Premier ministre ont largement dénoncé une procédure politique, destinée, selon eux, à museler l’une des dernières figures osant commenter publiquement le cours de la Transition malienne.
« Beaucoup de personnes considèrent que cette décision est injuste, commente, avec mesure, Hermann Diarra. Ce qui est sûr, c’est qu’elle sanctionne l’expression légitime. La liberté d’expression est un droit fondamental garanti par la Constitution malienne. Pour nous, c’est un signal inquiétant pour la démocratie et l’État de droit au Mali. D’ailleurs, poursuit Hermann Diarra, chaque jour, nous recevons de nombreux témoignages de solidarité qui nous confortent dans la certitude que Moussa Mara n’est pas seul et que son combat dépasse sa personne pour toucher tout le Mali. »
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« Durcissement du régime »
« On assiste à un durcissement du régime malien, depuis des mois, analyse pour sa part Ousmane Diallo, chercheur sur le Sahel au bureau d’Amnesty International à Dakar, citant notamment la dissolution des partis politiques et « la traque de toutes les voix dissidentes. »
« Moussa Mara en est victime, poursuit le défenseur des droits humains, car ce qu’on lui reproche malheureusement, c’est un tweet assez anodin dans lequel il appelait à se battre, par tous les moyens, pour que la nuit laisse place au jour. On voit, à travers son arrestation et sa détention, la détermination des autorités actuelles à faire taire toutes les voix potentiellement contestataires à leur autorité et à leur agenda politique. »
Moussa Mara est poursuivi pour « atteinte au crédit de l’État », « opposition à l’autorité légitime », « incitation au trouble à l’ordre public » et « publication et diffusion de nouvelles fausses mensongèrement attribuées à des tiers, fait de mauvaise foi susceptible de troubler la paix publique ». Cinq ans après le coup d’État militaire d’août 2020, ces chefs d’inculpations sont régulièrement brandis par la Justice de Transition pour empêcher toute opinion dissidente de s’exprimer.
Moussa Mara sera jugé à la fin du mois, le 29 septembre prochain.
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Procès le 29 septembre : « sérénité et vigilance »
« Nous abordons ce procès avec sérénité, mais aussi vigilance, assure Hermann Diarra, représentant en France du parti Yelema. Moussa Mara n’a commis aucune infraction. Nous attendons un procès juste, équitable et transparent. »
Ousmane Diallo, d’Amnesty International, ose même se montrer optimiste : « Le fait que son procès soit prévu à la fin de ce mois donne plutôt bon espoir, explique le chercheur. Parce qu’il aurait pu être gardé en détention [sans jugement, NDLR] comme le sont beaucoup de voix de la société civile. Je pense à Youssouf Bathily, dit Ras Bath [chroniqueur radio et militant associatif du Collectif pour la défense de la République, NDLR] qui est en détention depuis plus de deux ans, et à beaucoup d’autres. »
« On a vu des acteurs être victimes de détentions forcées, subir des mauvais traitements, des sévices, conclut Ousmane Diallo, donc nous espérons que le droit sera dit lors du procès de Moussa Mara et que cela augurera d’un dégel pour toutes les victimes de détention arbitraire au Mali. »
Parmi les personnalités détenues avec ou sans procès, on peut rappeler le cas d’El Bachir Thiam, jeune militant du parti Yelema, de Moussa Mara. Enlevé le 8 mai en pleine rue par la Sécurité d’État, El Bachir Thiam est toujours détenu dans un lieu tenu secret, en dehors de toute procédure judiciaire.