Magal Touba 2025 : « J’ai pas dormi trois nuits ! » – Le récit de Poulo, mécanicien à Thiès 

Poulo
Poulo

A l’approche du Magal 2025, la ville de Thiès a vibré au rythme des urgences mécaniques. Dans son garage, Poulo, mécanicien chevronné, a vécu une véritable course contre la montre. Trois nuits sans sommeil, des dizaines de voitures à réparer, et un seul objectif : permettre aux pèlerins d’atteindre Touba en toute sécurité. Entre anecdotes insolites et solidarité fraternelle, il partage les coulisses d’une semaine hors norme, où foi et mécanique se croisent au cœur de l’effervescence du plus grand rassemblement religieux du Sénégal.

Interview avec Poulo, mécanicien basé à Thiès, qui revient sur une semaine de folie marquée par les urgences mécaniques des pèlerins en route vers Touba.

Poulo, tout d’abord, comment allez-vous après cette période du Magal ?

Poulo : (rire) Maintenant ça va, Alhamdoulilah, je me repose un peu. Mais franchement, pendant les jours qui ont précédé le Magal, c’était la guerre ici. J’ai pas dormi pendant trois nuits d’affilée. Les voitures venaient sans arrêt, jour et nuit.

Quelle est l’ampleur du travail que vous avez eu cette année par rapport aux années précédentes ?

Cette année, c’était encore plus fou que d’habitude. Je crois que les gens ont beaucoup voyagé en famille, parfois avec des véhicules qui n’avaient pas été révisés depuis longtemps. Moi, je suis dans ce métier depuis une vingtaine d’années, mais là j’ai vraiment senti la pression. Je faisais en moyenne 15 à 20 véhicules par jour, parfois plus. Je mangeais même dans l’atelier !

Quel genre de réparations faisiez-vous le plus souvent ?

Les pannes classiques, mais critiques. Freins qui lâchent, courroies de distribution usées, radiateurs percés, batteries mortes… Et surtout les pneus ! Beaucoup roulent avec des pneus lisses. Le danger est énorme. Et là, imaginez sur l’autoroute Thiès-Touba, avec la chaleur, le poids, les passagers, les bagages… c’est la catastrophe assurée. On a même vu un véhicule arriver avec un pneu rafistolé avec du tissu.

Vous êtes seul dans votre garage ou vous avez une équipe ?

Normalement, je travaille avec deux jeunes apprentis, mais là, j’ai dû appeler deux cousins de Dakar qui sont aussi mécanos pour m’aider. On a monté une petite équipe provisoire, sinon je n’aurais pas tenu. L’un s’occupait des diagnostics, l’autre des pneus et équilibrage. Moi je faisais les urgences techniques et les gros travaux. Franchement, sans eux, ce n’était pas possible.

Comment vos clients vous trouvent-ils en cette période ?

Le bouche-à-oreille, c’est tout. Un marabout du quartier m’a recommandé à plusieurs familles qui partaient à Touba. Après, chaque personne en parlait à d’autres, et en une journée j’étais débordé. J’ai même eu un client qui a laissé sa voiture à 3h du matin, avec une note disant « Je reviens à l’aube ». On n’a plus de rythme pendant le Magal.

Est-ce que vous avez augmenté vos prix vu la forte demande ?

Non, non, ça ce n’est pas mon genre. C’est une période spirituelle, les gens voyagent pour Touba, ils viennent avec foi, en famille. Ce n’est pas le moment de profiter. Au contraire, j’ai fait des remises à ceux qui avaient des difficultés. Certains m’ont payé plus tard. D’ailleurs, y en a encore deux ou trois que j’attends là, mais je sais qu’ils vont revenir.

Avez-vous vécu des moments marquants ou insolites ?

Ah oui ! Un jour, un client est arrivé paniqué, moteur fumant, capot ouvert. Il pensait que c’était la fin du monde. En fait, il avait mis du diesel dans une voiture essence. Il était pressé, il avait confondu à la station. J’ai dû vidanger tout le réservoir et nettoyer le moteur. On a rigolé après, mais sur le coup, il avait failli pleurer. Sinon, il y a eu un père de famille qui m’a dit : « Si tu me répares ça avant 14h, je t’envoie du thiéré (couscous) et du poulet de Touba pendant un mois. » Bon, je n’ai pas encore vu le thiéré hein (rires), mais la voiture est repartie à l’heure !

Que pensez-vous que les gens devraient faire avant de partir au Magal avec leur voiture ?

C’est simple : faire une vraie révision, pas juste gonfler les pneus et mettre de l’essence. Contrôler les freins, l’huile, la batterie, la clim, les phares, les pneus… Tout ça. Un Magal, c’est 400 à 500 km aller-retour pour certains. Il faut traiter le véhicule comme si on partait dans le désert. Et surtout, ne pas attendre le dernier moment. Certains viennent la veille à minuit, et veulent repartir le matin à 6h. Ce n’est pas sérieux.

Vous avez pu vivre le Magal vous-même malgré le travail ?

Physiquement, non, je n’ai pas pu aller à Touba. Mais spirituellement, oui. Quand on aide les pèlerins, c’est aussi une forme de participation. J’ai mis la radio qui diffusait les khassaïdes, je faisais mes prières entre deux réparations. Le soir, j’écoutais les conférences religieuses. Et puis, voir tout ce monde en mouvement pour la foi, ça donne de la force, même depuis Thiès.

Un dernier mot pour ceux qui prendront la route pour le Magal 2026 ?

Oui. Préparez-vous tôt. N’attendez pas que la voiture tombe en panne pour venir chez un mécano. Et surtout, pensez aux autres usagers de la route. Un véhicule mal entretenu met tout le monde en danger. Et si vous êtes à Thiès, n’hésitez pas à passer me voir. Chez Poulo, on ne dort pas pendant le Magal, mais on fait tout pour que vous arriviez à Touba sains et saufs.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to top
Close