Madagascar: le président dissout l’Assemblée nationale qui se penche malgré tout sur sa procédure de destitution

La présidence de la République de Madagascar a publié sur sa page Facebook, ce 14 octobre 2025, un décret « portant dissolution de l’Assemblée nationale » alors que les députés se réunissaient ce mardi pour entamer le processus de destitution d’Andry Rajoelina pour abandon de poste. Les députés estimant ce décret présidentiel invalide se sont donc lancés dans une course contre la montre pour voter coûte que coûte la motion de déchéance du chef de l’État.

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Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud

À Madagascar, aucun observateur sur place ne s’attendait à un tel événement : c’est un véritable coup de théâtre qui vient de se produire ce 14 octobre 2025. En actant la dissolution de l’Assemblée nationale, Andry Rajoelina coupe totalement l’herbe sous le pied aux députés qui étaient en train d’entamer la procédure de sa destitution. « Ce choix s’impose pour rétablir l’ordre au sein de notre Nation et renforcer la démocratie », a justifié le président dans un message publié dans la foulée sur ses réseaux sociaux.

Quelques minutes avant la diffusion de ce décret présidentiel, les députés venaient d’annoncer avoir réussi à collecter suffisamment de signatures pour procéder à la tenue d’une session extraordinaire. Une session extraordinaire qui aurait permis ensuite de procéder au vote de destitution pour vacance de poste du chef de l’État.

Le vice-président de l’Assemblée nationale évoque une violation de la Constitution

Pour rappel, d’après nos informations, Andry Rajoelina a quitté Madagascar dimanche à bord d’un avion militaire français. Le président de la République, très contesté, vient donc d’user de l’une de ses prérogatives tant qu’il n’était pas destitué.

Une dissolution qui bloque pour l’instant tout le processus de destitution, puisque le Sénat, encore en place, n’a pas ce pouvoir-là.

Cependant, la valeur légale de ce décret est déjà fortement contestée. Absence de cachet, signé de l’étranger : le député Siteny, vice-président de l’Assemblée nationale et chef de l’opposition, annonce publiquement une violation de la Constitution : le « président de l’Assemblée nationale n’a pas été consulté », dit-il, comme l’aurait voulu l’usage.

Deuxième coup de théâtre : les députés décident quand même de voter

Pour toutes ces raisons, les députés ont décidé de passer outre ce texte et étaient donc durant l’après-midi en train de procéder au vote de la motion de déchéance d’Andry Rajoelina.

L’ambiance à l’Assemblée est d’ailleurs survoltée. Sur les 161 députés qu’elle compte, environ 120 seraient présents, selon un député avec qui RFI s’est entretenue. Selon lui, pour que le vote aboutisse, il faut au moins deux-tiers des votes en faveur de la destitution.

Les députés sur place, de l’opposition mais aussi pro-régime qui viennent de rallier le mouvement, ont bon espoir d’arriver à leur fin.

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Fragilisé par le ralliement ce week-end des militaires à la contestation ayant embrasé le pays et désormais réfugié dans un lieu inconnu, le chef de l’État avait écarté la veille toute démission en appelant à « respecter la Constitution » lors de sa première apparition à l’écran depuis ce revirement.

« Il continue de nous faire la morale et de nous rejeter la faute »

À l’issue de son allocution, il avait également lancé un appel « au dialogue » avec la jeunesse, à l’origine du mouvement de manifestation contre les coupures d’eau et d’électricité et qui s’est progressivement mué en contestation du pouvoir.

 

À plusieurs reprises, Andry Rajoelina a même souligné, en fin d’allocution, que le pays avait besoin « de jeunes qui construisent et non qui détruisent ».

Un discours loin de calmer les esprits. Sur les réseaux sociaux, ce matin, les critiques sont très vives : « Des promesses et mensonges, encore et encore », écrit un internaute. « Douze ans au pouvoir, et il continue de nous faire la morale et de nous rejeter la faute », écrit un autre.

Quant au décret de dissolution de l’Assemblée nationale, il vient de déclencher une avalanche de commentaires contestataires. Cet acte est vécu pour beaucoup comme une ultime tentative de conserver coute que coute son poste. « Monsieur le président, si seulement vous aviez fait preuve d’autant de détermination pour le développement réel du pays », lâche une internaute. « Vous nous disiez encore hier que vous aimiez notre pays, cet ultime acte de trahison prouve le contraire », conclut un autre.

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