Madagascar: le mouvement de protestation se poursuit dans une atmosphère pesante

À Madagascar, les mouvements de protestation populaire, menés par la jeunesse, se poursuivent et se propagent en région. Après des manifestations contre les coupures d’eau et d’électricité et pour la défense des libertés fondamentales qui se sont tenues dans plusieurs grandes villes du pays, la journée du samedi 27 septembre a laissé place à un calme pesant, avant une nouvelle nuit de couvre-feu.

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Plusieurs centaines d’étudiants se sont réunis l’après-midi du 27 septembre à Antananarivo, la capitale de Madagascar, à l’appel du collectif Gen-Z. Pas de marche à travers la capitale, comme ils l’avaient souhaité dans un premier temps, mais un face-à-face tendu avec les forces de l’ordre dans le quartier de Tsiadana, dans l’est de la ville, rapporte l’un de nos correspondants à Antananarivo, Guilhem Fabry. Au cœur des revendications : l’accès à l’eau et à l’électricité.

Les mains en l’air, Maël, 17 ans, et ses amis font face aux forces de l’ordre qui les repoussent en direction de l’université d’Ankatso. « Il nous fait reculer alors qu’on ne cherche pas la guerre, on ne cherche pas la bagarre. On cherche juste à nous faire entendre. On veut que nos voix soient entendues par le gouvernement. On veut de l’eau et de l’électricité. On n’a pas d’armes, on n’a que nos voix comme arme. Tout ce qu’on a ce sont nos voix, des banderoles, des pancartes. On recule, on recule, comme d’habitude. Comme notre pays, on recule ».

« On veut de l’eau, pas du sang », « nous voulons vivre, pas survivre » sont quelques-uns des slogans inscrits sur les pancartes des jeunes manifestants, qui entonnent un chant traditionnel des mobilisations sociales malgaches.

François, architecte en bâtiment, a recouvert son visage d’un masque pour se protéger des gaz lacrymogènes tirés par les forces de l’ordre. « On va faire grève, car nous sommes tellement fatigués concernant notre vie ici à Madagascar. Nous sommes devenus pauvres, tous les jours. Tous les jeunes ici, sont diplômés, mais ne trouvent pas de travail. C’est pour cela qu’on a besoin d’un grand changement ».

L’Association des étudiants de la faculté de lettres et de sciences humaines d’Antananarivo a appelé à une mobilisation générale des étudiants ce lundi 29 septembre. Objectif : formuler des revendications et laisser un délai de 48h aux autorités pour y apporter des réponses.

Les habitants de la capitale sur le qui-vive

Toute la nuit du 27 au 28 septembre, de nombreux habitants sont restés dans la rue pour protéger leurs maisons face aux pilleurs. Réunis aux intersections, à l’entrée des ruelles et devant leurs domiciles, des dizaines d’habitants du quartier d’Ankadifotsy ont organisé une veillée communautaire. Grâce à cette solidarité à l’échelle d’un quartier, ces Tananariviens se sentent protégés. Raboanarison est à la tête de cette initiative montée dans l’urgence.

« On ne peut pas rester les bras croisés face à ce qu’il se passe. Les gendarmes font des rondes, ils passent, mais nous nous restons ici. Ils comprennent notre démarche, car nous avons le même objectif : la sécurité. Nous allons veiller toute la nuit et nous rentrerons seulement quand le couvre-feu sera levé. Nous sommes des voisins, on se connaît bien, ça aide à se sentir en sécurité ».

Atmosphère pesante dans le reste du pays

À Diego Suarez, au nord du pays, après la manifestation très intense de 26 septembre, où les étudiants de l’Université s’étaient soulevés pour dénoncer le décès de leur camarade, abattu par les forces de l’ordre, la population s’est précipitée dès l’aube du 27 septembre dans les marchés pour constituer des provisions, redoutant de nouvelles violences. Les commerces ont fermé dès 8h, les grossistes ont évacué leurs stocks par camion, par précaution, et les militaires ont pris position dans les points stratégiques de la ville, rapporte notre correspondante à Madagascar, Sarah Tétaud. Les deux victimes des tirs de la veille ont été enterrées dans la matinée et le reste de la journée s’est déroulé dans un calme surveillé.

À Majunga, ville côtière de l’ouest, après les pillages de la veille, qui ont visé trois quartiers, et au cours desquels l’Alliance Française et deux établissements scolaires ont été vandalisés, commerçants et habitants se sont organisés. Des groupes, armés de sagaies, ont gardé les boutiques. L’ambiance est restée extrêmement pesante toute la journée en ville malgré la présence policière.

À Tamatave, où la première nuit de couvre-feu n’a pas été respectée, le quartier du Bazar Kely a été attaqué. Magasins et échoppes ont été pillés, des pneus ont été brûlés sur les routes et des domiciles privés ont été cambriolés. Ce samedi 27 septembre, la ville tournait au ralenti, avec la plupart des commerces fermés.

Quant à Tuléar, après des casses et des pillages du vendredi, une rumeur de manifestation étudiante a conduit à la fermeture générale des magasins. La ville est restée calme ce samedi.

Par communiqué, la communauté internationale s’est dite préoccupée par la violence, les pillages et la destruction de biens. La société civile malgache, elle, dénonce « l’absence flagrante et suspecte des forces de sécurité pour les empêcher et les réprimer, contrastant avec un excès de zèle et abus de violences contre les jeunes, femmes et citoyens sans défense ».

Selon la communication de la Présidence, Andry Rajoelina est rentré à Madagascar. À New York pour l’Assemblée générale des Nations unis, ce dernier n’avait pas communiqué sa localisation depuis le début des protestations.

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