Madagascar: la communauté internationale entre attentisme et condamnation du changement de régime

Peu avant l’investiture du colonel Michael Randrianirina comme président de la Refondation de la République de Madagascar, vendredi 17 octobre, les Nations unies ont condamné jeudi 17 octobre soir un « changement anticonstitutionnel » de gouvernement sur la Grande Ile. La SADC a, elle, annoncé l’envoi d’une mission d’établissement des faits sur place, sans condamner l’arrivée au pouvoir des militaires. À l’instar, beaucoup de chancelleries se montrent attentistes. À Antananarivo, on craint des sanctions internationales.

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C’est un appel au retour à l’ordre constitutionnel et à l’État de droit à Madagascar qu’a lancé jeudi 16 octobre le secrétaire-général de l’ONU Antonio Guterres. L’ONU s’inscrit ainsi dans le sillage de l’Union africaine (UA), qui, mercredi, avait condamné la prise de pouvoir des militaires sur la Grande Ile, en suspendant le pays de toutes ses instances et activités, rapporte notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry.

Jeudi, le sommet extraordinaire de la Troïka de la SADC, consacré à Madagascar, s’est contenté d’appeler toutes les parties prenantes malgaches à privilégier un dialogue inclusif, sans condamner la prise de pouvoir des militaires. Cette communauté régionale, dont Madagascar exerce la présidence tournante pour un an, lancera une mission d’établissement des faits sur la Grande Ile avant lundi prochain.

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Pas de condamnation explicite non plus de l’Union européenne ni de la France. Dans un communiqué assez sobre publié mercredi, la diplomatie française juge essentiel de préserver l’État de droit et les libertés fondamentales et note que les organisations africaines ont vocation à être en première ligne devant cette situation.

Beaucoup de chancelleries sont encore attentistes, note un observateur. La durée de la transition avant la tenue de nouvelles élections et la composition du prochain gouvernement détermineront pour beaucoup leur position face au nouveau régime malgache.

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La population craint des sanctions

Le nouveau pouvoir s’active toujours pour faire entrer son action dans un cadre légal et constitutionnel. Car à Antananarivo, on veut éviter des sanctions internationales qui pèseraient très lourd une population déjà très pauvre, une possibilité qui se renforce depuis la suspension du pays des instances de l’UA.

Alors que les bailleurs de fond pourraient suivre en suspendant ou en retardant le versement d’aides essentielles à la population, celle-ci craint d’éventuelles sanctions.

Le pavillon pirate du manga One Piece flotte toujours sur la place du 13-Mai, mais l’heure est au doute pour la jeune Fatima, rapporte notre envoyée spéciale à Antananarivo, Liza Fabbien. Fatima critique ouvertement le mouvement de protestation des dernières semaines : « Oui je suis jeune, mais les GenZ sont en train de dire qu’ils ont besoin d’eau et de courant, et c’est ce qu’ils ont demandé en premier. Et après, d’un coup, ils sont venus avec le coup d’État. Cela ne se fait pas ! »

L’étudiante craint des sanctions internationales qui appauvriraient encore plus son pays.

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Nasolo Hery, lui, regrette surtout la position adoptée par l’Union africaine et le signal qu’elle renvoie : « Il faut vraiment que l’UA et la communauté internationale soient justes avec nous. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’un coup d’État, puisque tout ça fait suite à de véritables revendications sociales ! Madagascar a besoin de l’aide internationale et de continuer à travailler avec ses partenaires internationaux. »

Pour Eliott Randriamandrato, l’un des porte-paroles de la Gen Z, les institutions internationales devraient plutôt accompagner la transition à Madagascar : « De la part de ces institutions-là, on attend un peu plus d’ouverture et d’écoute vis-à-vis des revendications et de la lutte elle-même. Ils réagissent comme certains de nos aînés ou comme le régime d’avant, en disant « ah, les petits, forcément c’est du chaos, donc on va les punir tout de suite ». Peut-être qu’il faut attendre des échanges, avant de lancer une quelconque sanction. »

Elliot Randriamandrato, porte-parole du mouvement Génération Z à Madagascar, s'exprime lors d'une interview à Antananarivo, le 16 octobre 2025.
Elliot Randriamandrato, porte-parole du mouvement Génération Z à Madagascar, s’exprime lors d’une interview à Antananarivo, le 16 octobre 2025. © Mamyrael / AFP

Quant au colonel Michael Randrianirina, il a estimé qu’il est « normal qu’une organisation internationale comme l’UA réagisse ainsi », mais qu’il faut maintenant engager des « négociations » sur le sujet.

[Reportage] La population à Antananarivo craint les éventuelles sanctions internationales

Liza Fabbian

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