Madagascar: des albums illustrés pour faire connaître la vie et l'œuvre de deux grands poètes nationaux

Des dessins et des poèmes : deux albums illustrés publiés début décembre retracent la vie et l’œuvre de deux grands poètes du XXe siècle, Jean-Joseph Rabearivelo et Jacques Rabemananjara, deux figures majeures de la littérature malgache, racontées sous un format bilingue. L’objectif, à travers ce format original proposé par les éditions Teny, est de faire découvrir à un large public ces personnages historiques, leur époque et leurs combats.
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Avec notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry
L’un, Jean-Joseph Rabearivelo, a œuvré à la traduction des œuvres malgaches en français et des textes français en malgache. L’autre, Jacques Rabemananjara, s’est engagé au sein des réseaux nationalistes de la Grande Île pour obtenir l’indépendance de son pays.
En retraçant la vie de ces deux grands poètes, Florence Dimani veut toucher les lecteurs dès l’école primaire. « Ces livres sont plusieurs portes d’entrée, explique l’auteure et directrice de la collection Vakoka. C’est à la fois donner à voir les arts malgaches, donc une porte d’entrée vers la poésie. C’est aussi donner à voir le Madagascar de cette époque-là, des années 1900, montrer des facettes historiques, artistiques, vestimentaires avec une représentation visuelle puisque ce format est à mi-chemin entre le roman graphique, la bande dessinée et l’album ».
« C’était aussi un parti pris volontaire de proposer ces livres en français et en malgache pour qu’ils puissent être accessibles pour les francophones qui s’intéressent à des artistes et à l’histoire de Madagascar, mais surtout pour qu’ils puissent être accessibles aux malgachophones qui ne sont pas francophones. À Madagascar, à peu près 86 % de la population ne parle que le malgache », souligne Florence Dimani.
« Montrer que nous sommes les héritiers de gens qui se sont déjà colletés ces problèmes »
Dominique Ranaivoson, enseignante-chercheuse en littératures francophones, qui a coécrit le livre Jacques Rabemananjara, poète engagé, illustré par l’artiste Sese Dille, affirme : « Souvent, de crise en crise – et encore, avec la dernière crise – il y a une espèce d’ambition de repartir à zéro. On raye tout et on recommence. Or, avec des albums comme ceux-ci, j’aimerais montrer que nous sommes les héritiers d’une succession de gens qui se sont déjà colletés aux problèmes. Tous ont eu à affronter des questions compliquées, comme aujourd’hui les Malgaches ont à affronter des questions compliquées. »
L’universitaire ajoute : « Et cette idée élargit la notion d’identité et donne aussi un certain sentiment de sécurité : on n’est pas devant un gouffre, devant une sorte de désert où il faut écrire la première page de l’histoire. Il y a déjà une histoire ! Mon objectif est que cette situation compliquée du passé aide à nourrir une réflexion sur la complexité d’aujourd’hui. »
De son côté, Dwa, dessinateur et auteur de bandes dessinées malgaches, s’est attelé à représenter la ville d’Antananarivo au début du XXe siècle dans l’ouvrage Jean-Joseph Rabearivelo, un poète entre deux mondes. « Je savais que j’allais me plonger dans l’Antananarivo des années 1900 jusqu’à 1937. J’ai commencé à chercher de vieilles photos, que je collecte, que je vois sur les réseaux sociaux, sur des sites, explique-t-il. Il n’y a pas beaucoup d’images de cette époque et souvent ce sont des étrangers qui ont pris ces photos, ou souvent ce sont des photos qui ont été prises dans des ateliers ou des studios. Donc, ce sont des gens qui posent. »
Il décrypte son travail : « C’est l’avantage du dessin, de pouvoir combiner plusieurs informations de plusieurs photos pour créer une scène. Il y a cette simplicité et cette discipline que j’ai retrouvées dans ces photos, que j’ai beaucoup aimées et que j’ai essayé de retranscrire dans le livre. Il y a un peu plus de vie aussi dans le sens où les gens sont un peu plus joyeux que maintenant. C’est ce que j’ai ressenti en voyant les photos. »
Après Jacques Rabemananjara et Jean-Joseph Rabearivelo, la collection Vakoka, publiée par la maison d’édition malgache Teny, entend s’intéresser à d’autres figures des arts malgaches, de la photographie au théâtre, en passant par la peinture.
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