Madagascar: avec les familles qui «retournent les morts» et les célèbrent au cours du famadihana

À Madagascar, l’hiver austral est l’occasion pour de nombreuses familles de pratiquer le famadihana ou « retournement des morts » : dans ce rite funéraire, les défunts sont exhumés et célébrés dans une ambiance festive. Pratiquée à Madagascar depuis le XVIe siècle, cette tradition d’origine austronésienne permet aux vivants de rentrer en connexion avec leurs ancêtres.

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Avec notre envoyé spécial à Ambohidranandriana, Guilhem Fabry

Un cortège festif et bruyant s’avance entre les tombeaux du village d’Ambohidranandriana, à une heure de piste d’Antsirabé, dans la région de Vakinankaratra, sur les Hautes terres centrales de Madagascar.

Parmi les descendants ici réunis, Fitahina est venue honorer sa grand-mère défunte : « Je suis heureuse de la rencontrer car je ne l’ai jamais connue, explique la jeune de 25 ans. J’attends ce moment depuis très longtemps. Elle me manque beaucoup. Lorsque le corps sera sorti du tombeau, je vais m’approcher et discuter avec elle. Je vais lui raconter les bonnes et les mauvaises choses de ma vie. Je sais qu’elle m’entend encore. »

Alors que les invités se délectent de « vary be menaka » (du riz avec de la viande de zébu grasse), un groupe d’hommes commence à ouvrir le vaste tombeau familial enfoui sous la poussière. Claudine, fille de la défunte, porte un élégant chapeau pour l’occasion : « Je suis fière que ma famille soit rassemblée pour ce famadihana. Je vais prier pour ma mère et lui demander des bénédictions : la santé et une longue vie pour mes enfants. »

Les dépouilles sont extraites une à une et portées à bout de bras par les descendants en liesse. Alphonse, un voisin, a été invité comme des centaines d’autres personnes : « Nous enveloppons les ancêtres d’un nouveau linceul en soie, le lambamena. C’est une preuve d’amour et de considération pour le bien qu’ils nous ont fait. C’est comme ça que nous les honorons. »

Un peu de « toaka gasy », un rhum traditionnel malgache, est versé sur le nouveau linceul. Ce n’est qu’au crépuscule, quand la nuit tombera sur les rizières à perte de vue, que les défunts honorés seront replacés dans le tombeau familial.

Selon les moyens de la famille, le famadihana (est organisé tous les 5 ou 7 ans, parfois plus rarement encore. C’est un événement très coûteux et les dons des centaines d’invités ne suffisent pas à compenser toutes les dépenses liées à l’achat de nourriture et d’alcool notamment. Cette pression financière contribue à éloigner certaines personnes de la tradition, explique Anaia Rabarinirina, chercheur en anthropologie à l’Université d’Antananarivo.

Des familles font appel à des professionnels de l’événementiel pour organiser leur famadihana. Elles appellent des artistes de renom, des prestataires de service de la restauration. Les familles s’organisent pour économiser pendant 5 ou 7 ans. Elles vendent leurs zébus ou bien les utilisent comme nourriture pour les invités. Certaines familles sacrifient beaucoup de choses, il y en a même qui s’endettent afin d’organiser une célébration digne de ce nom. Des gens disent qu’il vaut mieux économiser et dépenser de l’argent pour les vivants que pour les morts. Les jeunes de la ville, eux, ne pratiquent plus vraiment le famadihana. En revanche, les jeunes dans les milieux ruraux comme dans la région d’Itasy ou d’Antsirabé, il y en a beaucoup qui pratiquent encore le famadihana.

Certaines familles «s’endettent afin d’organiser le famadihana», mais «les jeunes de la ville ne le pratiquent plus vraiment», explique le chercheur anthropologue Anaia Rabarinirina

Guilhem Fabry

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