Les autorités malgaches n’ont pas aidé ni protégé les déplacés climatiques du sud de Madagascar, selon Amnesty International. Dans un rapport publié mercredi 30 juillet, l’ONG montre que 90 000 personnes ont dû quitter le sud du pays entre 2018 et 2024, notamment la région de l’Androy, à cause des sécheresses à répétition et des famines qu’elles ont engendrées. Beaucoup de ces familles ont essayé de se réinstaller dans le nord du pays en quête de terres cultivables.
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Avec notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry
À Madagascar, face à la sécheresse et à la famine aggravées par le réchauffement climatique, Amnesty International décrit dans son rapport une fuite dans le plus grand dénuement. Celle des Antandroy, un peuple d’éleveurs et d’agriculteurs du sud de Madagascar, en direction de la région de Boeny, dans le nord-est du pays, à 1 500 kilomètres de distance.
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« Nous avons constaté des problèmes d’exploitation sexuelle et d’exploitation économique sur ce trajet, indique Arnold Nciko, chercheur à Amnesty International sur Madagascar et co-auteur du rapport. On a par exemple eu le cas d’une famille qui s’est résignée à donner un enfant dans une forme d’esclavagisme à un chauffeur de bus, en disant : « Vous pouvez prendre notre enfant, il va travailler pour vous pendant un an, et en échange vous nous laissez partir en bus de l’Androy vers la région de Boeny ». Des familles ont passé des semaines, voire des mois à voyager vers le nord-est du pays, par étapes, en s’arrêtant régulièrement pour travailler afin de réunir un peu d’argent pour poursuivre leur trajet. La plupart des familles passaient des nuits à la belle étoile, dans des marchés ou en forêt », reprend-il.
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Des migrations définitives
Avec le réchauffement climatique, les migrations des Antandroy se transforment. Autrefois saisonnières, elles tendent à devenir définitives. Une fois arrivées dans la région de Boeny, réputée pour ses terres fertiles, des familles ont formé des villages près du parc national d’Ankarafantsika sur une zone de reboisement, avant d’en être expulsées, selon Amnesty International. L’organisation de défense des droits humains dénonce une violation du droit des Antandroy de circuler librement et de choisir leur lieu de résidence.
« Il n’y a pas d’aide pour les personnes déplacées en raison des sécheresses dans le grand sud du pays, que ce soit en termes de transport, de logement, d’allocation de terrains au point d’arrivée. Le gouvernement a par exemple des chiffres en termes de besoins et d’aides pour les personnes frappées par les cyclones. Mais ce n’est pas le cas pour les personnes déplacées par la sécheresse dans le sud. Madagascar doit quantifier ces besoins et les intégrer dans les plans et stratégies de réponse aux impacts du changement climatique ».
L’ONG revient aussi sur les causes des famines en pointant les anciennes autorités coloniales françaises. Elles ont, selon le rapport, réduit les capacités d’adaptation des Antandroy aux sécheresses en détruisant des dizaines de milliers d’hectares de cactus nourrissants et riches en eau durant les années 1930.

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