L'un des meurtriers présumés de Deyda Hydara, ex-correspondant de l'AFP en Gambie, arrêté au Sénégal

Un ancien membre d’escadrons de la mort en Gambie, accusé de faire partie des meurtriers présumés en 2004 du correspondant de l’AFP de l’époque dans ce pays, a été arrêté samedi au Sénégal lors d’une opération sécuritaire conjointe, a annoncé le gouvernement gambien.
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Sanna Manjang « a été arrêté tôt samedi 29 novembre en Casamance, dans le sud du Sénégal », a annoncé dans un communiqué le ministère gambien de l’Information, qui précise que les dispositions sont en train d’être prises pour son rapatriement en Gambie.
Selon les autorités gambiennes, Sanna Manjang est un ancien membre des «Junglers», les escadrons de la mort de l’ex-dictateur Yahya Jammeh, un groupe paramilitaire chargé d’intimider ou d’éliminer toute forme d’opposition. Yahya Jammeh a dirigé d’une main de fer de 1994 à 2017 la Gambie, petit pays anglophone enclavé dans le Sénégal.
« Cette arrestation est le résultat d’une opération sécuritaire conjointe entre les autorités sénégalaises et de la Gambie », qui ont travaillé ensemble depuis plusieurs mois pour localiser Sanna Manjang, considéré comme « un fugitif depuis janvier 2017 », précise le communiqué.
Le gouvernement gambien exprime sa reconnaissance aux autorités du Sénégal pour « leur coopération constante et leur solidarité dans les dossiers relevant de la sécurité régionale et de la justice ».
Sanna Manjang a été cité dans les conclusions de la commission « Vérité, Réconciliation et Réparations » (TRRC) « pour son rôle central dans les tortures, les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires perpétrées par les Junglers», affirme le gouvernement.
Lors des audiences de cette commission, Sanna Manjang a été accusé d’être l’un des meurtriers de Deyda Hydara, correspondant de l’AFP depuis 30 ans lorsqu’il était tombé sous les balles de tueurs à Banjul le 16 décembre 2004. Âgé d’une soixantaine d’années et père de quatre enfants, Deyda Hydara travaillait pour l’AFP depuis 1974, d’abord comme traducteur, puis comme journaliste. Cofondateur du journal privé The Point, il était souvent critique du pouvoir, de la corruption des élites et des atteintes à la liberté de la presse.
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La NIA (National Intelligency Agency, services secrets gambiens) avait publié en 2006 un rapport d’enquête n’apportant aucun éclaircissement sur les circonstances de l’assassinat. Il a fallu attendre le départ en exil du président Jammeh, en janvier 2017, pour qu’interviennent les premières inculpations, puis le lancement de la TRRC pour qu’émergent des détails sur les crimes de son régime, dont l’assassinat de Deyda Hydara.
« Nous avons tiré, moi, Alieu Jeng et Sanna Manjang », avait affirmé en juillet 2019 devant la commission TRRC le lieutenant Malick Jatta. Comme les deux hommes qu’il avait cités, il faisait partie des «Junglers».
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En 2024, la Cour fédérale de justice en Allemagne avait annoncé avoir rejeté l’appel d’un Gambien, Bai Lowe, condamné à la perpétuité en 2023 pour sa participation à une série de meurtres à motivation politique en Gambie. En tant que chauffeur des « Junglers », Bai Lowe a participé à des assassinats dans son pays entre 2003 et 2006, dont celui du correspondant de l’AFP.
Outre le meurtre de M. Hydara, le Gambien a été condamné pour son implication dans une tentative de meurtre d’Ousman Sillah, un avocat, d’Ida Jagne et de Nian Sarang Jobe, qui travaillaient pour le journal co-fondé par M. Hydara, et pour le meurtre d’un ancien soldat gambien, Dawda Nyassi. Réfugié en Allemagne depuis 2012, il avait été interpellé à Hanovre en mars 2021.
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