
Assis sous un manguier à l’entrée de son garage poussiéreux de Thiès, Mouride Thiam, 42 ans, ajuste sa combinaison bleue maculée de cambouis. Depuis plus de 20 ans, il répare toutes sortes de voitures, mais il a ses préférées. Selon lui, les véhicules français sont les mieux adaptés aux réalités du terrain sénégalais et africain en général. Rencontre avec un passionné qui n’a pas sa langue dans sa poche.
Entretien
Pourquoi dites-vous que les voitures françaises sont plus économiques que les américaines ou les anglaises ?
D’abord, il faut savoir que l’économie d’une voiture ne se limite pas à la consommation de carburant. Il y a aussi le coût des pièces, la fréquence des pannes, et la facilité de réparation. Sur ces points, les voitures françaises comme les Peugeot, Renault ou Citroën sont imbattables ici. Les pièces sont disponibles, parfois même à des prix locaux, parce qu’il y a un grand marché de seconde main. Une Peugeot 406 ou une Clio, tu peux l’entretenir facilement sans devoir vendre ton mouton pour acheter un filtre. Par contre, une Ford américaine ou une Jaguar anglaise, c’est plus compliqué. Les pièces sont rares, chères, et souvent, il faut les commander depuis l’étranger. Ce n’est pas pratique pour un gars qui vit à Thiès ou dans un village.
Mais certains disent que les voitures américaines sont plus puissantes, plus robustes…
C’est vrai qu’elles sont puissantes. Elles ont des moteurs V6 ou V8, mais à quoi ça sert ici ? Nos routes sont souvent mauvaises, les carburants ne sont pas toujours de bonne qualité, et on ne roule pas à 180 km/h. Donc cette puissance devient un gaspillage. En plus, elles consomment trop. Une Chevrolet ou une Chrysler peut ruiner ton budget essence en deux mois. Pareil pour les Ford. Les voitures françaises sont plus raisonnables. Elles consomment moins, mais elles avancent quand même, et elles encaissent bien la chaleur et la poussière.
« Les voitures chinoises ? Trop fragiles pour nos routes »
Et les voitures asiatiques alors, notamment celles venant de Chine ou d’Inde ?
C’est une catastrophe (il rit). Elles arrivent jolies, toutes neuves, avec des gadgets électroniques partout, mais après six mois, ça commence à craquer de partout. La suspension ne tient pas, la clim tombe en panne, les plastiques se cassent. On dirait qu’elles ne sont pas faites pour rouler sur nos pistes rouges et nos routes pleines de nids-de-poule. J’ai eu beaucoup de clients avec des Geely ou des Tata, qui reviennent tout le temps au garage pour des broutilles. Et parfois, tu ne trouves même pas les pièces ! Il faut démonter une voiture entière pour réparer un simple problème.
Et les voitures italiennes, comme Fiat ou Alfa Romeo ?
Les italiennes, c’est une autre histoire. Elles ont du style, c’est vrai. Mais elles sont capricieuses. Très sensibles. Le moteur est parfois fragile, surtout avec la chaleur et la qualité de carburant ici. J’ai travaillé sur plusieurs Fiat Punto ou Bravo, et je peux te dire que les problèmes électroniques sont fréquents. Les françaises, elles sont plus simples, plus pratiques. Et même quand elles ont un problème, tu peux souvent le régler toi-même, sans valise électronique compliquée.
« Les Peugeot sont increvables »
Est-ce que vous avez une voiture préférée, vous, personnellement ?
(Rires) Oui, j’ai une Peugeot 504. Elle a plus de 30 ans, mais elle roule toujours ! C’est une voiture mythique au Sénégal, comme dans beaucoup de pays d’Afrique. C’est simple : cette voiture, elle a été conçue pour résister. Tu peux l’envoyer dans la brousse, elle revient toujours. Et même les modèles plus récents, comme la 406 ou la 207, sont très solides. Moi, je préfère les voitures qui durent, pas celles qui brillent une année et disparaissent ensuite.
Vous parlez souvent de Peugeot, mais qu’en est-il des Renault ou Citroën ?
Elles sont aussi bonnes. Renault, par exemple, avec la 19 ou la 21, a conquis beaucoup de chauffeurs de taxi ou de livreurs. C’est fiable et économique. Citroën, un peu plus délicate, mais les anciens modèles comme la BX ou la Xsara sont très résistants. Ce que les Français savent faire, c’est adapter la mécanique à la réalité des pays en développement. Ce n’est pas pour rien que leurs voitures circulent partout en Afrique.
« En ville comme en campagne, elles tiennent le coup »
Comment ces voitures se comportent en zone rurale ?
C’est justement là qu’on voit leur vraie valeur. Les Peugeot 504 pick-up sont utilisées dans les villages pour transporter les récoltes, les animaux, les matériaux. Elles sont très robustes. Les suspensions sont solides, le moteur supporte la poussière et les longues distances. Même sans entretien régulier, elles tournent. C’est ça qu’on veut : une voiture qui accepte nos conditions sans trop se plaindre.
Certains jeunes préfèrent maintenant les voitures japonaises ou les SUV coréens. Qu’en pensez-vous ?
Ils sont attirés par le design, les écrans tactiles, le Bluetooth… C’est normal, on est à l’ère de la modernité. Mais après deux ou trois ans, ils reviennent vers nous avec des problèmes électroniques ou des pièces introuvables. Un écran tactile qui tombe en panne ici, tu le changes comment ? Parfois, il faut envoyer la voiture à Dakar ou attendre trois semaines une pièce. Pendant ce temps, la voiture dort. Moi je dis : la beauté, c’est bien, mais la fiabilité, c’est mieux.
« Tant qu’on roulera en Afrique, les voitures françaises auront leur place »
Pensez-vous que les voitures françaises garderont leur place en Afrique dans les prochaines années ?
Tant qu’on aura des routes comme aujourd’hui, des budgets serrés et des conditions climatiques difficiles, oui. Elles sont déjà bien implantées, et les gens leur font confiance. Peut-être que dans 20 ans, avec des routes meilleures et des stations-services plus modernes, d’autres marques prendront le dessus. Mais pour l’instant, ici à Thiès comme ailleurs, les voitures françaises restent les meilleures alliées du peuple.
Un dernier mot pour conclure ?
Je dis à mes clients : regardez bien avant d’acheter. Une voiture, ce n’est pas qu’un volant et une carrosserie. C’est une histoire de résistance, de fiabilité et de bon sens. Et là-dessus, les Français ont une longueur d’avance.