«Les mères de la liberté»: l’histoire des femmes dans les luttes d’indépendance en Guinée

Alors que la Guinée va célébrer les 67 ans de son indépendance dans deux mois, quelle a été la participation des femmes dans cette lutte ? Les mères de la liberté, femmes et luttes pour l’indépendance, de l’écrivaine Kadiatou Konaté, tente de réparer la méconnaissance du grand public concernant les contributions des figures féminines dans l’accession à l’indépendance. Car la part des femmes dans l’avant et l’après colonisation se résume souvent à quelques noms.
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Mettre un nom sur ces nombreuses femmes souvent omises ou minimisées dans les récits de l’indépendance est l’objectif. Car, « l’indépendance n’était pas qu’une affaire de costumes-cravate, mais aussi de pagnes, de camisoles, d’étoffes nouées à la taille », introduit le livre publié par les éditions l’Harmattan.
Pourtant, lorsque Kadiatou Konaté commence ses recherches sur les héroïnes de l’indépendance, elle ne trouve que trois noms : la martyre de la lutte anticoloniale M’Balia Camara; la camarade de lutte de Sékou Touré Hadja Mafory Bangoura ; et Jeanne Martin Cissé, première femme à présider le Conseil de sécurité de l’ONU. « C’était un gros choc de retrouver presque toujours les mêmes noms, les mêmes femmes, représentées avec les mêmes informations à chaque recherche », assène l’écrivaine.
À la chasse d’un trésor historique
Où sont les autres femmes ? Les retrouver prendra trois ans. Trois années de fouilles documentaires, de revues scientifiques, d’archives – dans une Guinée pauvre en politique d’archives et de mémoire – et de rencontres avec des sources orales.
Sur 125 pages, Kadiatou Konaté décrit le rôle syndical dans les secteurs de l’éducation et de la santé de l’Union des Femmes de Guinée à partir de 1940. Elle cite le rôle de Nabya Haidara, métisse soussou-libanaise, qui s’est imposée comme une combattante intrépide en gardant le quartier Sandervalia à Conakry où vivait Sékou Touré, leader du PDG-RDA entre 1954 et 1958.
Le livre dresse également le portrait détaillé de figures comme Aissatou Ndiaye — fer de lance de la grève contre les impôts coloniaux en 1957 -, Gbèlèya Dienè – présidente des Femmes de Kankan, mobilisant largement les femmes de la région à prendre part au processus politiques pour l’accession à l’indépendance – et Aissatou Bangoura : « C’est elle qui gérait les réseaux clandestins pour véhiculer les messages du PDG-RDA à l’époque, afin de réorganiser les femmes et de mobiliser d’autres personnes dans les communautés », ajoute l’autrice.
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Susciter la recherche
En Guinée, à part le mémoire d’Idiatou Camara appelé La contribution de la femme de Guinée à la lutte de libération nationale, le livre Les mères de la liberté est le premier ouvrage entièrement dédié aux héroïnes de l’indépendance. « Mon but est de susciter la recherche pour approfondir ce sujet. Qu’il y ait d’autres chercheuses qui travaillent sur le sujet », soutient l’autrice.
« C’est important que de tels livres existent », se réjouit sa préfacière Hadja Saran Daraba, ancienne ministre des Affaires sociales et de la Promotion féminine en Guinée, fondatrice du Réseau des femmes de l’union du fleuve Mano pour la Paix. Parce qu’on méconnaît cette participation des femmes à la lutte pour l’indépendance, à l’animation des partis politique, et au soutien des syndicats ouvriers. La plus longue grève de Guinée a été soutenue et entretenue par des femmes : c’était la grève des cheminots, qui a duré 72 jours. »
L’objectif est de faire en sorte que ce livre ne soit qu’un début. « Parce que le chemin de la redécouverte de son passé est long, notamment en ce qui concerne la question féminine », conclut Hadja Saran Daraba.
Dr Hadja Saran Daraba revient sur l’importance de l’étude de la participation des femmes dans l’accession de l’indépendance guinéenne
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