Trois ans et demi après son arrivée au Mali, le groupe Wagner a officiellement été remplacé le 6 juin dernier par l’Africa Corps. « La Russie ne perd pas de terrain », avait alors assuré la structure, directement contrôlée par le ministère russe de la Défense, alors que Wagner était lié à Moscou, mais restait un groupe privé autonome. Un mois après cette annonce, le Timbuktu Institute analyse dans un rapport publié mercredi 23 juillet ce « repositionnement » qui, selon le centre de recherche basé à Dakar, « consolide l’influence russe au Sahel. »
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Le remplacement de Wagner par l’Africa Corps est à la fois une officialisation et une « institutionnalisation de fait » de la présence militaire russe en Afrique.
Dans son rapport, le Timbuktu Institute évoque des « objectifs stratégiques plus larges » pour l’Africa Corps et en liste quatre : « protéger les régimes militaires, sécuriser l’accès aux ressources naturelles (comme la raffinerie d’or près de Bamako), établir des partenariats à long terme dans les infrastructures et l’énergie, et saper l’influence occidentale, notamment celle de la France. »
« Bases rénovées près de Bamako »
Sur le terrain militaire, les missions semblent inchangées : opérations aux côtés de l’armée malienne, cogestion des postes de commandement, formations, renseignement…
Cette continuité commence par le personnel d’Africa Corps, dont au moins la moitié, voire 70 à 80%, sont des anciens de Wagner, selon le Timbuktu Institute. Le centre de recherche note un renforcement de l’« emprunte opérationnelle » russe, avec des « bases rénovées près de Bamako » et des « équipements militaires avancés » : blindés, canons d’artillerie, ou encore un avion bombardier, qui s’est écrasé le 14 juin à Gao.
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« Protection des militaires au pouvoir »
« La structure russe assure également la protection des dirigeants militaires au pouvoir », pointe encore le rapport, consolidant un soutien politique aux régimes militaires « sans conditions liées à la démocratie, encore moins aux droits humains ». Le Timbuktu Institute estime à ce sujet que les exécutions extrajudiciaires massives et les actes de tortures perpétrés par les partenaires russes « alimentent le mécontentement de certaines communautés et le recrutement jihadiste », le Jnim, lié à al-Qaïda, « se présentant en protecteur des populations persécutées ». « Les atrocités, commises en toute impunité, ont alimenté la méfiance des populations civiles à l’égard du gouvernement et servi d’outil de recrutement important pour les groupes terroristes », précisent les chercheurs du Timbuktu Institute.
Le passage de Wagner à l’Africa Corps marque pourtant la fin du « déni plausible » : les actes de l’Africa Corps engagent désormais Moscou, « que ce soit pour la conduite sur le champ de bataille, les crimes de guerre potentiels ou les échecs opérationnels sur le terrain », peut-on lire dans le rapport. Mais cette responsabilité nouvelle ne semble pas avoir changé les comportements sur le terrain.
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« Campagnes de désinformation »
En termes d’opérations d’influence, le Timbuktu Institute pointe les « campagnes de désinformation » orchestrées notamment par l’agence russe African Initiative, via les médias locaux et les réseaux sociaux. Des campagnes qui « dénigrent la démocratie » et les puissances occidentales, tout en présentant la Russie comme « une force stabilisatrice. »
Sur le long terme, « dans un contexte de rivalités géopolitiques croissantes » et de guerre entre la Russie et l’Ukraine, les chercheurs prévoient que le renforcement de l’influence russe au Sahel « entraînera forcément, ne serait-ce que par une logique de riposte, une intensification future des confrontations indirectes » avec « des acteurs tels que l’Otan et l’Ukraine au Sahel ou leurs alliés. »
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