Le Burkina Faso, le Mali et le Niger claquent la porte de la CPI

Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré
Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré

Les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali et Niger – ont annoncé, lundi 22 septembre 2025, leur retrait immédiat du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Une décision radicale, justifiée par la dénonciation d’une « justice sélective » et d’un « instrument de répression néocoloniale.

L’information est tombée simultanément dans les trois capitales sahéliennes. À Ouagadougou, c’est le ministre de la Communication, Pingdwendé Gilbert Ouédraogo, qui a lu le communiqué officiel au journal télévisé de 20 heures. Les trois gouvernements militaires, unis au sein de la Confédération de l’AES, affirment avoir pris une décision « souveraine et irrévocable » : rompre avec la juridiction internationale de La Haye.

Dans leur déclaration conjointe, les dirigeants estiment que la CPI « s’est transformée en instrument de répression néocoloniale aux mains de l’impérialisme, devenant ainsi l’exemple mondial d’une justice sélective ».

Une rupture avec l’ordre juridique international

Le Burkina Faso, le Mali et le Niger avaient ratifié le Statut de Rome respectivement en 2004, 2000 et 2002. Depuis, leurs juridictions avaient collaboré avec la CPI, notamment lors de procédures concernant des crimes commis sur leurs territoires. Mais, selon les gouvernements actuels, cette coopération a révélé « l’incapacité » de la Cour à juger équitablement les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide, préférant cibler « certains acteurs » tout en épargnant les grandes puissances.

En se retirant, les pays de l’AES entendent se doter de « mécanismes endogènes de consolidation de la paix et de la justice » et envisagent la création d’une Cour pénale sahélienne. Ils affirment vouloir continuer à promouvoir les droits humains « en adéquation avec [leurs] valeurs sociétales » et lutter contre toute impunité.

Un retrait au parfum géopolitique

En droit international, le retrait d’un État du Statut de Rome ne prend effet qu’un an après notification officielle au secrétaire général de l’ONU. Mais les trois pays ont choisi un effet « immédiat », défiant ainsi la procédure. Ce geste s’inscrit dans leur stratégie souverainiste et leur rupture assumée avec les institutions occidentales. Ces derniers mois, le Burkina, le Mali et le Niger se sont rapprochés de partenaires alternatifs, en particulier la Russie, dont le Président, Vladimir Poutine, fait lui-même l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI, depuis le début du conflit en Ukraine.

L’annonce a lieu à un moment où les armées de l’AES sont accusées, par des ONG internationales, de graves violations des droits humains dans leur lutte contre les groupes terroristes affiliés à Al-Qaida et à l’État islamique.

Une institution sous le feu des critiques

Créée en 2002 – année d’entrée en vigueur du Statut de Rome après sa ratification par soixante États –, la Cour pénale internationale est la première juridiction permanente chargée de juger les crimes les plus graves lorsque les États sont défaillants. Elle compte aujourd’hui 125 membres, mais plusieurs grandes puissances – États-Unis, Russie, Chine, Israël – n’y ont jamais adhéré.

Accusée à maintes reprises de cibler prioritairement les dirigeants africains, la CPI a déjà connu d’autres crises de légitimité : en 2016, la Gambie, l’Afrique du Sud et le Burundi avaient annoncé leur retrait, avant que les deux premiers ne fassent marche arrière. Plus récemment, la Hongrie a claqué la porte, en signe de protestation contre le mandat d’arrêt lancé contre Benjamin Netanyahu.

Une étape supplémentaire dans la stratégie AES

Avec ce départ, les trois pays sahéliens franchissent une nouvelle étape dans leur stratégie de rupture avec l’ordre international issu de l’après-guerre froide. Après avoir quitté la CEDEAO et resserré leurs liens militaires et économiques dans le cadre de l’AES, ils visent désormais à remodeler leurs outils judiciaires à l’échelle régionale.

Reste à savoir si cette décision renforcera leur souveraineté ou accentuera leur isolement diplomatique, à un moment où les violences terroristes et les accusations de crimes contre les civils continuent de peser lourdement sur les trois régimes militaires.

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