La reconnaissance par Israël du Somaliland suscite une pluie de condamnations

Vendredi dernier, Israël est devenu le premier pays à reconnaître officiellement l’État du Somaliland, région séparatiste située au nord-ouest de la Somalie qui a fait sécession il y a plus de 30 ans, située sur un point stratégique qui donne sur la mer Rouge et une des routes commerciales maritimes les plus fréquentées au monde, qui relie l’océan Indien au canal de Suez. Les condamnations pleuvent depuis vendredi pour défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Somalie. 

Des rassemblements ont été organisés dans plusieurs villes du Somaliland dimanche 28 décembre pour fêter sa reconnaissance par Israël. Des milliers de personnes se sont réunies au stade principal de la capitale Hargeisa pour célébrer l’événement. Dans la foule, nombre de participants portaient des vêtements verts-blancs-rouges, aux couleurs du drapeau du Somaliland, et scandaient : « Victoire pour le Somaliland ! » Le drapeau de l’État sécessionniste du Nord a été hissé aux côtés de celui d’Israël, dans une cérémonie retransmise en direct par les télévisions du Somaliland.

« Des célébrations massives ont lieu à Hargeisa et dans les villes de la République du Somaliland, alors que les citoyens se rassemblent fièrement pour commémorer la décision historique du gouvernement d’Israël », a commenté le ministère des Affaires étrangères du Somaliland sur X. Dans ce post figuraient plusieurs photos, dont celle d’un bâtiment sur lequel était illuminé en grand, de nuit, le drapeau d’Israël.

Israël « menace » la stabilité de la région, dénonce le président somalien

Au même moment, le président somalien Hassan Sheikh Mohamud dénonçait « la plus grande des violations contre la souveraineté de la Somalie », devant le Parlement et le Sénat somaliens. Les tentatives d’Israël « de diviser » la Somalie constituent « une menace pour la sécurité et la stabilité du monde et de la région, et elles encouragent les groupes extrémistes et les mouvements sécessionnistes » partout, a-t-il lancé. « Nous mettons en garde Israël et son Premier ministre Netanyahu contre le transfert de ses guerres du Moyen-Orient vers la Somalie », a poursuivi le chef de l’État somalien.

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La Ligue arabe rejette toute mesure visant à déplacer les Palestiniens

Après les condamnations du gouvernement somalien, de l’Union africaine, de l’Union européenne, et de nombreux pays arabes et africains, le Conseil de la Ligue arabe a condamné fermement dimanche 28 décembre la reconnaissance du Somaliland par Israël et a rejeté toute mesure qui en découlerait, « les plans de déplacement forcé du peuple palestinien ou l’exploitation des ports du nord de la Somalie pour y établir des bases militaires ».  

« Le Conseil de la Ligue des États arabes s’est réuni au niveau des représentants permanents lors de sa session extraordinaire le 28/12/2025 au siège du Secrétariat général, à la demande de la République fédérale de Somalie et avec le soutien de tous les États membres, afin d’examiner la condamnation de la reconnaissance par Israël de la région du nord-ouest de la Somalie – ce que l’on appelle « Somaliland » – et de faire preuve de solidarité avec la République fédérale de Somalie face à l’agression contre sa souveraineté et l’unité de son territoire », écrit la Ligue arabe dans un communiqué. 

Toute présence d’Israël au Somaliland serait une « cible » pour les Houthis

Autre réaction dimanche, dans un communiqué, le chef des rebelles houthis au Yémen a réagi, il a averti que toute présence israélienne au Somaliland serait considérée comme une « cible militaire ». En effet, la reconnaissance de la région séparatiste donne à Israël un accès stratégique à la mer Rouge, en face du Yémen, d’où sont lancées les frappes des Houthis. 

« Nous considérons toute présence israélienne au Somaliland comme une cible militaire pour nos forces armées car elle constitue une agression contre la Somalie et le Yémen, ainsi qu’une menace pour la sécurité de la région », a déclaré Abdel Malek al-Houthi, d’après un communiqué publié en ligne par les médias rebelles. Le chef houthi a averti que cette décision aurait de graves conséquences, affirmant que cette reconnaissance constituait « une position hostile à l’égard de la Somalie et de ses voisins africains, ainsi que du Yémen, de la mer Rouge et des pays situés le long des deux rives de la mer Rouge ». 

Les analystes régionaux estiment qu’un rapprochement avec le Somaliland permettrait à Israël d’accéder plus facilement à la mer Rouge, ce qui lui permettrait de frapper des objectifs houthis au Yémen.

La Chine condamne la reconnaissance du Somaliland par Israël

La Chine s’est jointe au concert de condamnations. Son porte-parole du ministère des Affaires étrangères Lin Jian a dit ce lundi 29 décembre que la Chine s’oppose fermement à cette initiative. Il a affirmé qu’aucun pays ne devrait aider ni encourager les forces séparatistes d’autres pays pour ses intérêts égoïstes. 

La Chine critique régulièrement les relations entretenues par le Somaliland avec Taïwan, dont elle a toujours refusé l’indépendance. 

À l’ONU, les États-Unis défendent le droit d’Israël à reconnaître le Somaliland

Les États-Unis ont en revanche défendu lundi 29 décembre à l’ONU le droit de leur allié israélien à reconnaître le Somaliland, le comparant à la reconnaissance de la Palestine par de nombreux pays. « Israël a le même droit de mener des relations diplomatiques que n’importe quel Etat souverain », a déclaré l’ambassadrice adjointe à l’ONU Tammy Bruce lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité.

« Plus tôt cette année, plusieurs pays, y compris des membres de ce Conseil, ont pris la décision unilatérale de reconnaître un État palestinien qui n’existe pas et aucune réunion d’urgence du Conseil n’a été réclamée pour exprimer l’indignation du Conseil », a-t-elle noté, accusant ses collègues de « deux poids, deux mesures. »

Alors que Donald Trump s’est dit opposé à une reconnaissance du Somaliland, la diplomate a précisé que son argument ne signifiait pas de changement de politique des États-Unis sur le sujet : « Nous n’avons aucune annonce à faire concernant une reconnaissance par les États-Unis du Somaliland. »

L’ambassadeur slovène Samuel Zbogar, dont le pays a reconnu l’État palestinien, a rejeté le parallèle fait par Washington. « La Palestine ne fait partie d’aucun État, elle est illégalement occupée, comme l’ont dit la Cour internationale de justice et d’autres », a-t-il insisté. Alors que le Somaliland « fait partie d’un État membre de l’ONU et le reconnaître viole » la charte des Nations unies.

Visite du président somalien en Turquie mardi 30 décembre

Le Somaliland (175 000 km 2, soit près du tiers de la France), qui correspond peu ou prou à l’ancienne Somalie britannique, est situé à la pointe nord-ouest de la Somalie. Il a déclaré son indépendance en 1991, à un moment où la République de Somalie sombrait dans le chaos après la chute du régime militaire de l’autocrate Siad Barre.

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C’est dans ce contexte que le président somalien Hassan Cheikh Mohamoud effectuera mardi 30 décembre une visite en Turquie, une proche alliée de son pays. Au cours de ce déplacement, « les discussions porteront également sur la situation actuelle en Somalie dans la lutte contre le terrorisme, les mesures prises par le gouvernement fédéral somalien en vue de parvenir à l’unité nationale et l’actualité régionale », a affirmé lundi sur X le directeur de la communication de la présidence turque Burhanettin Duran.

Ankara avait dénoncé vendredi la reconnaissance par Israël du Somaliland, qualifiant cette décision d’« ingérence manifeste dans les affaires intérieures de la Somalie ». La Turquie apporte son assistance militaire et économique aux autorités de ce pays de la Corne de l’Afrique dévasté par la guerre civile depuis le début des années 1990, dont elle contribue à rétablir l’armée et les infrastructures tout en garantissant sa présence – également maritime – en Afrique de l’Est.

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