La difficile condition des journalistes pour informer au Sahel et dans les pays voisins

Ils sont les visages de l’information dans l’une des régions les plus hostiles aux journalistes, au Sahel et dans ses pays frontaliers. Le Salon international des médias d’Afrique les a réunis à Dakar la semaine passée jusqu’au jeudi 30 octobre autour d’une question : comment continuer à informer, au Mali, au Tchad, en passant par le Bénin et au Togo, où les menaces et intimidations à l’encontre des journalistes se multiplient ? Retour sur leurs témoignages.
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Avec notre correspondante à Dakar, Pauline Le Troquier
Chacun leur tour, ils racontent les pressions, venues des groupes armés ou des régimes en place et qui pèsent chaque jour un peu plus sur le métier. À tel point que depuis 2022 la Béninoise Flore Nobimé a décidé de ne plus couvrir l’actualité du nord du Bénin, là où sévissent des terroristes. Arrêtée dans cette même région lors d’une enquête sur l’organisation de défense de la nature African Parks, elle est accusée d’espionnage. Puis finalement relâchée, sans charge retenue contre elle.
« Quand on est parti [au nord du pays] en 2022, on craignait beaucoup plus les groupes armés, et finalement, nous sommes tombés dans un autre piège. Je m’occupe d’autres sujets en attendant que la situation s’améliore. Travailler sur les questions de sécurité, c’est devenu trop compliqué, ça vous bouffe littéralement », témoigne-t-elle.
Suivi par des hommes en turban
Quelques jours avant de partir à Dakar, le journaliste tchadien Djimet Wiché remplit des formalités en ville, à Ndjamena, pour son voyage. Il explique qu’un homme, le visage recouvert par un turban le surveille à bord d’une voiture à vitres teintées.
C’est une scène que le journaliste ne connaît que trop bien. La première fois, c’était en décembre 2023. Quelques semaines plus tôt, il avait publié sur le site d’information Alwihda Info dont il est le directeur de publication, un article critique de la politique sécuritaire du chef de l’État, Mahamat Idriss Deby.
« On est contrôlé au marché, dans les hôtels, sur le terrain. J’ai commencé à m’adapter. J’essaie de filmer tous ceux qui me prennent en filature, j’évite de sortir la nuit. Je sais que je ne me reproche absolument rien et je continue à faire mon travail. J’accepte de prendre ce risque pour informer objectivement les lecteurs. »
Chaque fois qu’un journaliste sera intimidé, Djimet Wiche invite l’ensemble des médias à s’unir en répliquant par des journées sans presse.
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« Des journalistes continuent d’essayer de travailler de la façon la plus indépendante possible »
Comment les journalistes et organisations qui les défendent réagissent face aux pressions sur la profession ? « Il y a des journalistes qui continuent d’essayer de travailler et, dans le contexte donné, de la façon la plus indépendante possible, notamment au Mali. Il y a tout de même une certaine solidarité au sein de la profession. Je pense notamment à certaines organisations faîtières qui, dès qu’une violation ou une atteinte à la liberté de la presse est observée, s’empressent d’entamer des négociations avec les parties prenantes, et d’autre part, dans certains cas, et lorsque le dialogue est coupé, de publier des communiqués ou des déclarations dénonçant ces atteintes. Nous, on l’observe directement au quotidien : un travail de vérification d’une situation qui nous prenait un jour ou quelques heures il y a encore un an, nous prend désormais plusieurs jours ou plusieurs semaines. Notamment dans les pays du Sahel, mais aussi dans des pays frontaliers. Que ce soit le Bénin ou le Togo par exemple », constate Camille Montagu, chargé de recherches au bureau Afrique Subsaharienne de Reporters sans Frontières (RSF).



