Kamto écarté de la Présidentielle au Cameroun : un boulevard tracé pour Biya

Maurice Kamto
Maurice Kamto

Alors que le Cameroun s’apprête à vivre une nouvelle élection présidentielle le 12 octobre 2025, un événement inédit vient de rebattre les cartes du jeu politique : Maurice Kamto, principal opposant au Président sortant Paul Biya, ne figure pas sur la liste des candidats retenus par la commission électorale nationale, Elections Cameroon (ELECAM). Un coup de tonnerre qui, pour beaucoup, laisse la voie largement dégagée à Paul Biya, candidat à un huitième mandat à l’âge de 92 ans.

Une liste validée sans Kamto

Sur les 83 candidatures reçues par ELECAM, seulement 13 ont été validées, parmi lesquelles celle de Paul Biya, Président en poste depuis 1982. En face, on retrouve des figures bien connues : Cabral Libii (PCRN), Joshua Osih (SDF), Akéré Muna (Univers), Issa Tchiroma Bakary (FSNC), Bello Bouba Maïgari (UNDP), ainsi qu’une seule femme, Tomaino Ndam Njoya, maire de Foumban et présidente de l’Union Démocratique du Cameroun (UDC).

Mais l’absence la plus remarquée, et la plus controversée, reste celle de Maurice Kamto. Arrivé deuxième lors de la Présidentielle de 2018, l’ancien ministre et professeur de droit, qui portait alors les couleurs du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), avait cette fois été investi par le MANIDEM (Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie). Sa candidature a été rejetée par ELECAM, au motif que le même parti aurait présenté deux candidats distincts, lui et Dieudonné Yebga. Une justification que les partisans de Kamto jugent fallacieuse.

Un rejet qui suscite la colère

Pour Anicet Ékané, président du MANIDEM, cette décision relève d’une « forfaiture » et d’une « manœuvre grossière » visant à évincer un candidat redouté du pouvoir en place. Selon lui, Dieudonné Yebga n’avait plus aucune légitimité au sein du parti, ayant été exclu formellement. Une exclusion reconnue par le ministère de l’Administration territoriale, documents à l’appui. « Il n’y a donc aucun doute possible sur la validité de la candidature de Kamto », affirme-t-il, annonçant dans la foulée un recours devant le Conseil constitutionnel, ultime espoir de réintégration pour le candidat écarté.

Pour les observateurs, ce rejet n’est pas une surprise totale. Le politologue Njoya Moussa rappelle que les tensions étaient palpables à Yaoundé dans les jours précédant la publication de la liste, marqués notamment par une forte présence sécuritaire. « Ce climat laissait présager une décision politiquement explosive », souligne-t-il.

Une opposition éclatée, Biya conforté

Ce rejet de Kamto bouleverse le paysage politique camerounais. Le leader du MRC était perçu comme le principal challenger capable d’inquiéter le régime de Paul Biya. Son éviction affaiblit mécaniquement l’opposition et fragilise toute tentative de front commun. Pourtant, certains acteurs appellent à une coalition. Paul Mahel, conseiller et porte-parole d’Akéré Muna, estime que Kamto, même hors course, peut encore jouer un rôle déterminant en soutenant une candidature unique de l’opposition : « Il peut encore peser sur l’issue du scrutin s’il apporte son soutien à une dynamique d’unité ».

Mais cette hypothèse reste fragile tant l’opposition camerounaise peine, depuis des années, à s’unir durablement. Si quelques figures comme Akéré Muna ou Cabral Libii plaident pour une candidature de rassemblement, les ambitions personnelles et les querelles de leadership rendent ce scénario incertain. Maurice Kamto, quant à lui, n’a pas encore publiquement indiqué s’il soutiendrait un autre candidat en cas de rejet définitif.

Une Présidentielle sans véritable suspense ?

À 92 ans, Paul Biya s’engage dans une nouvelle campagne présidentielle, dans un contexte où sa longévité au pouvoir semble davantage consolidée qu’ébranlée. L’absence de Kamto, conjuguée à l’émiettement de l’opposition, lui ouvre un boulevard pour un nouveau mandat. Aucun des 12 candidats validés n’a, à ce stade, l’envergure ou la dynamique suffisante pour faire vaciller la machine du RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais).

Certains électeurs et observateurs voient dans cette élection un simulacre de compétition, dans lequel le résultat paraît joué d’avance. La participation risque d’être affectée par la démobilisation d’une frange de l’électorat acquise à Kamto, surtout si celui-ci confirme son exclusion définitive. Quant à la communauté internationale, souvent silencieuse ou prudente face aux pratiques électorales camerounaises, son degré d’implication ou de critique pourrait déterminer le degré de pression sur Yaoundé.

Un système électoral toujours décrié, une alternance différée

La gestion opaque d’ELECAM, la partialité présumée du Conseil constitutionnel, dominé par des proches du régime, et les conditions drastiques d’accès à la Présidentielle (caution de 30 millions de francs CFA, lourdes exigences administratives), nourrissent une défiance persistante à l’égard du système électoral camerounais. Sur les 81 candidatures déposées, près de 70 ont été rejetées, parfois pour des motifs jugés dérisoires ou arbitraires.

De nombreux analystes estiment que le processus reste verrouillé, bien plus au service de la continuité du pouvoir qu’au service de la démocratie. Le cas Kamto prouve à leurs yeux une volonté claire d’écarter toute alternative crédible au chef de l’État. En écartant Maurice Kamto de la course présidentielle, le régime camerounais repousse une nouvelle fois la possibilité d’une véritable alternance politique. Paul Biya, en dépit de son âge avancé et d’une longévité au pouvoir rare sur le continent, s’apprête à briguer un nouveau mandat sans adversaire de poids.

À court terme, cela conforte sa mainmise. À long terme, cela renforce les interrogations sur l’avenir démocratique du Cameroun, et sur la manière dont le pays gèrera inévitablement la succession d’un président à la longévité inégalée, mais à la légitimité de plus en plus contestée.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to top
Close