JOJ de Dakar J-1 an: «Que chaque infrastructure profite durablement à la population sénégalaise»

À moins d’un an des Jeux olympiques de la jeunesse à Dakar, Babacar Senghor, coordonnateur du programme JOJ pour les travaux des infrastructures, fait le point sur l’avancement des chantiers, le choix stratégique de réhabiliter des sites emblématiques, l’accompagnement social des populations impactées et les enjeux de la gestion future des équipements. Dans cet entretien, il revient sur les ambitions, les difficultés et les innovations d’un projet JOJ destiné à laisser un héritage durable au Sénégal.
De notre envoyé spécial à Dakar,
RFI: Babacar Senghor, nous sommes J-1 an du début des Jeux olympiques de la jeunesse. Êtes-vous satisfait de l’avancement des chantiers, les deux principaux : le stade Iba Mar Diop et la piscine olympique ainsi que des 11 sites de proximité ?
Babacar Senghor: Oui, pour un chantier qui a démarré depuis un an, puisque nous avons commencé au mois d’octobre de l’année dernière, pour des délais d’environ 18 mois, l’avancement constaté sur les deux lots principaux — que ce soit le stade Iba Mar Diop ou la piscine olympique — est satisfaisant. Au niveau de la piscine, nous avons presque atteint 70 % d’avancement. La première livraison est prévue pour décembre prochain. Nous allons finaliser tout ce qui concerne les deux bassins, celui de compétition et celui d’entraînement, et il nous restera le bassin de plongeon ainsi que le centre d’hébergement prévu pour le mois de mars. Donc, officiellement, au mois de mars de l’année prochaine, tout sera bouclé au niveau de la piscine. Pareil pour le stade Iba Mar Diop : mars-avril, tout devrait être prêt. Cela laissera un délai confortable pour le Comité d’organisation des Jeux, afin d’organiser quelques tests avant les JOJ. Au-delà de ces deux infrastructures, il y a aussi les équipements de proximité, pour impliquer davantage les populations locales, car nous intervenons à l’intérieur des quartiers.
Il y a un fort volet social donc. Pouvez-vous nous en parler ?
Si vous aviez eu la chance de visiter le site du stade Iba Mar Diop à l’époque, ce n’est pas comme aujourd’hui. Il y avait beaucoup d’occupation, de nombreux corps de métiers : les cordonniers le long du stade, les femmes pileuses qui pratiquaient leur activité à l’intérieur, des restauratrices, des mécaniciens… Toutes ces personnes affectées ont déjà fait l’objet d’une indemnisation, car l’État a mobilisé cinq milliards CFA dans ce sens. Mais au-delà de cela, avec l’Agence française de développement, nous avons souhaité accompagner ces personnes. Nous sommes en train de construire un bâtiment destiné à reloger les 350 cordonniers impactés par le projet : ce sera la maison du cuir, un bâtiment de 1 000 m² et quatre niveaux. Nous érigeons également un centre de transformation pour les femmes pileuses dans le quartier Golfe dans la banlieue, pour reloger toutes les femmes qui exerçaient ce métier au sein du stade. Une autre formation est prévue pour les mécaniciens. Nous venons de lancer un appel d’offre pour l’acquisition de matériel à distribuer aux mécaniciens et aux femmes restauratrices. Sur ce volet, nous avons mis un accent social fort, avec plus de deux milliards dans le financement global pour soutenir ces personnes affectées par le projet.
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Est-ce que cette phase n’a pas été la plus difficile : convaincre des gens qui ont profité d’un stade laissé à l’abandon pour occuper l’espace pendant plusieurs années ?
Cette étape a effectivement été la plus longue. Dès le début du projet, nous avons recruté un cabinet pour recenser toutes les personnes présentes sur le site. La tâche a été tellement ardue qu’il a fallu trois recensements : un premier recensement effectué par l’AFD avec un cabinet pour identifier les personnes, puis deux autres recensements pour garantir que toutes les personnes présentes étaient bien recensées et identifiées.
Nous avons ensuite fait appel au cabinet MSA, qui a réalisé l’étude et l’évaluation de tout ce qu’il fallait mettre en place pour ces personnes : indemnisations tenant compte des pertes de revenus, vulnérabilité, etc. L’État a dégagé, dans un premier temps, deux milliards pour indemniser la totalité des personnes — au nombre de 1 500 sur le site — et toutes ont reçu leur indemnisation.
Ce volet a été bien pris en main pour que toutes les personnes impactées puissent profiter de l’apport des Jeux olympiques de la jeunesse.
Au niveau des infrastructures, était-ce important dans l’esprit du projet de réhabiliter des sites emblématiques, le stade Iba Mar Diop comme la piscine olympique ?
Oui, le choix s’est porté dès le début sur ces deux infrastructures, car ce sont des équipements situés au cœur de quartiers très populaires, et l’objectif des Jeux était d’impliquer au maximum les populations locales. Dès le début, le CIO, en accord avec l’État du Sénégal, a opté pour la piscine olympique pour son emplacement et sa symbolique, ainsi que pour le stade Iba Mar Diop, emblème de l’athlétisme sénégalais. Au départ, il s’agissait juste de réhabiliter le stade, mais compte tenu de la vétusté des équipements, nous avons décidé de moderniser pour doter la population sénégalaise d’infrastructures de qualité. L’AFD, initialement prévue pour 40,5 millions d’euros, a augmenté son financement à 80 millions pour accompagner ce processus, car nous avons présenté un projet ambitieux, solide et réaliste.
Tout a été démoli : la tribune principale a été reconstruite et reconfigurée pour augmenter sa capacité, la tribune du terrain de handball à ciel ouvert a été remplacée par une mini-arena multifonctions (volley, handball, etc.). Aujourd’hui, le complexe sportif moderne pour l’athlétisme va offrir deux pistes, des terrains pour le football, le rugby, la boxe, le handball et les gymnastes bénéficient désormais d’un site dédié.
Pour la piscine, dès le début, nous avions constaté de nombreux problèmes de fuites sur les bassins principaux, entraînant une consommation d’eau excessive. À notre arrivée, il y avait une facture de plus de 70 millions de francs CFA d’arriérés rien que pour l’eau. Cela a motivé la reconstruction et la modernisation, avec des techniques réduisant la consommation d’eau et de produits. Nous avons aussi doublé la capacité du centre d’hébergement. Les terrains de football ont été aménagés pour permettre leur mise en location et leur exploitation future. L’objectif est d’assurer la pérennité des activités et d’anticiper la gestion post-Jeux.
Votre mission s’arrête-t-elle à la livraison des infrastructures ou allez-vous accompagner les futurs gestionnaires ?
C’est une problématique qui a été longuement discutée. Nous connaissons nos réalités : la plupart des infrastructures réalisées par le passé ont rencontré des difficultés de gestion. Après de nombreuses discussions entre nous, le bailleur et les différentes parties, notre mission, en tant que maître d’ouvrage délégué, est de livrer ces infrastructures. Mais nous avons anticipé en confiant à notre Assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) la mission d’étudier et de proposer des schémas de gestion futurs pour tous les sites : le stade Iba Mar Diop, la piscine, les infrastructures de proximité, la maison du cuir, etc. À ce jour, l’AMO travaille sur ces schémas, et en décembre, nous disposerons de propositions à soumettre à l’État. C’est probablement là que notre mission s’arrêtera : proposer des schémas de gestion réalistes et optimisés pour que l’État puisse prendre les meilleures décisions.
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